Gestion des systèmes de santé
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Le doyen Stéphane Brutus joint sa voix à celle de Jaason Geerts, Directeur de la recherche et du développement du leadership au Collège canadien des leaders en santé dans cet extrait de leur texte d'opinion publié le 7 décembre dans le The Globe and Mail.
En août dernier, lors de la victoire surprise du chef conservateur Tim Houston en Nouvelle-Écosse, la plupart des commentatrices et commentateurs ont attribué son succès à sa promesse d’améliorer le système de santé. Dans sa plateforme, sa solution se résumait à une ligne : « Nous avons besoin de plus de lits, de plus de personnel et de plus de technologie. » Pour surmonter la prochaine vague de la pandémie et pour améliorer le système de santé, tous les gouvernements proposent des variations de sur ce thème. Pourtant, le récent rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé indique que les coûts des soins de santé au Canada continuent leur ascension exponentielle, alors peut-on vraiment croire que la formule « plus de » améliorera notre sort, surtout sans consensus sur ce qui devrait être atteint?
Le contexte qui pèse sur nous est en fait une crise pancanadienne des ressources humaines en santé. Le bassin de main-d’œuvre se vide, et un nombre record de membres du personnel infirmier, de médecins, de préposées et préposés et d’autres personnes souffrant d’épuisement professionnel ou de trouble de stress post-traumatique quittent leur emploi. Selon Statistique Canada, le taux de postes vacants en santé est plus élevé que jamais : il a grimpé de 50 % par rapport à l’an dernier.
Il va sans dire que la seule et unique ressource nécessaire au maintien et à l’amélioration des systèmes de santé au pays est humaine : des travailleuses et travailleurs de la santé compétents et dévoués. Le simple ajout de « troupes au sol » ou les incitatifs financiers superficiels pour attirer du personnel ‒ notamment la prime de 18 000 $ offerte par le gouvernement du Québec pour le personnel infirmier ‒ ne fonctionneront malheureusement pas.
En périodes de pointe, les solutions singulières et généralisées face à la pandémie ont laissé des dizaines de milliers de Canadiennes et Canadiens en attente de diagnostics susceptibles de leur sauver la vie, d’interventions chirurgicales considérées non urgentes ou de consultations et services de base en santé. Ces activités doivent maintenant reprendre de concert avec les tâches quotidiennes; elles seront menées par une main-d’œuvre diminuée, traumatisée et épuisée. La réponse ne consiste pas, comme le suggère le Dr Andy Smith, PDG du Sunnybrook Health Sciences Centre, à demander à tout le monde de travailler à 130 % jusqu’à ce que rattrapage soit fait, ce qui prendrait fort probablement des années ‒ et à quel prix?
La première étape vers la résolution de la crise est contre-intuitive : nous devons consacrer du temps pour faire officiellement le point sur les expériences vécues pendant la pandémie jusqu’à maintenant – sinon, elles seront perdues. Ce qui signifie d’interroger les chefs et le personnel de tous les niveaux, la patientèle, les familles et les communautés : qu’avons-nous fait de bien? Qui a manqué de services ou qui a été traité de manière inéquitable? Quelles sont les améliorations systémiques à notre portée? Il est crucial de prioriser cet exercice.
En deuxième lieu, les solutions à nombre de nos problèmes se cachent dans les données : des téraoctets d’information sur l’expérience des gens soignés, les résultats cliniques et la mobilisation du personnel dorment patiemment dans les serveurs en attendant d’être repêchés et analysés. Les leaders en santé doivent être munis d’outils, de compétences, et encore une fois, de temps pour analyser ces données de façon continue et être en mesure de prendre des décisions éclairées en vue de l’amélioration des systèmes.
En troisième lieu, ces décisions doivent tenir compte de l’ensemble du système, y compris de la main-d’œuvre, de la patientèle, des communautés et de tout le continuum de soins. Il faut éviter de ne considérer qu’un élément au détriment des autres. Par exemple, la hausse du nombre d’heures travaillées par infirmière ou médecin risque de faire augmenter la fatigue, l’absentéisme, le roulement de personnel, ainsi que les erreurs médicales, diminuant ainsi le rendement dans son ensemble. De façon similaire, l’attribution de primes ponctuelles comme le fait le Québec pour son personnel infirmier ne fera que retarder l’inévitable : les mêmes conditions chaotiques se réinstalleront.
La responsabilité de consacrer du temps à la réflexion et à l’examen de données, ainsi que de régler les problèmes dans une optique systémique, ne relève pas des travailleuses et travailleurs de première ligne; leur travail consiste à sauver des vies. Ce sont les instances dirigeantes, et plus précisément les gestionnaires en santé de niveau intermédiaire, qui sont dans la meilleure position pour amorcer le changement. Ces leaders doivent avoir un esprit ouvert, flexible et innovant pour trouver le temps nécessaire à la réflexion et à l’analyse de données et pour proposer des solutions systémiques. Depuis le début de 2020, le personnel de première ligne est au cœur de nos préoccupations et de nos politiques. Alors que nous cherchons la voie à suivre, il est temps de regarder plus haut dans l’organigramme et de soutenir celles et ceux qui agiront comme catalyseurs de l’amélioration des soins de santé.
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En 2017, Peyman Varshoei, candidat au doctorat de Telfer, a commencé son parcours de doctorant lorsqu’il a quitté l’Iran pour s’installer à Ottawa. Depuis, il a commencé les trois chapitres de sa thèse pour son doctorat en gestion avec une spécialisation en systèmes de santé. Il a rencontré sa femme (Emira Mirbahaeddin), qui est également une doctorante dans le même programme de doctorat, à l’École de gestion Telfer.
Ses travaux portent sur les différents problèmes de la planification médicale : la planification des rendez-vous des patients, la planification du personnel, l’ordonnancement par période des cliniques, la planification de soins infirmiers à domicile et de routage et plus encore. Après le début de la pandémie de la COVID-19, l’importance de son travail de recherche est devenue plus évidente que jamais. Son travail contribue à renforcer le redressement à la suite d’une vague épidémique en prévenant un retard important des opérations chirurgicales non urgentes annulées au début de la COVID-19.
Devenir un étudiant au doctorat à Telfer
Peyman a découvert le programme de doctorat alors qu’il consultait une diplômée qui travaillait sur un projet de maîtrise en Iran. En faisant ce projet, il a rencontré le professeur Jonathan Patrick.
« [Le professeur Patrick] m’a encouragé à m’inscrire au programme de doctorat à l’École Telfer. J’avais déjà entendu parler de Telfer auparavant et je savais que l’École offrait des forfaits généreux aux étudiants étrangers et qu’elle avait des laboratoires informatiques qui pourraient faciliter mes recherches », a expliqué Peyman. « J’étais ravi de m’inscrire et d’être admis à Telfer. »
C’est ainsi que Peyman a commencé son doctorat et il attaque sa cinquième année en septembre 2021. Peyman a déjà obtenu un baccalauréat ès sciences en génie industriel avec distinction et a été invité par la même école en Iran à faire une maîtrise en génie des systèmes. Sa formation en génie lui a permis d’acquérir une perspective interdisciplinaire et les compétences nécessaires pour travailler sur des problèmes mathématiques complexes, particulièrement dans le domaine de l’analytique en soins de santé.
« J’ai choisi de faire mon doctorat en gestion avec spécialisation en systèmes de santé parce que j’ai fait des recherches dans ce domaine pendant mes études de premier cycle et mes études supérieures en Iran. Je cherchais l’occasion d’élargir mes connaissances en techniques avancées analytiques et d’explorer également les liens entre mon domaine d’intérêt et la gestion des systèmes de santé. »
Sa formation et son désir d’apprendre l’ont poussé à explorer de nouveaux sujets comme l’optimisation des affaires et la planification médicale.
« J’ai toujours aimé travailler sur des concepts originaux qui pourraient optimiser le système de santé. Choisir ce programme de doctorat et me concentrer sur l’optimisation de la planification m’a donné l’occasion d’améliorer mes compétences et de mettre en pratique ce que j’ai appris pour résoudre des problèmes de santé dans le monde réel. »
Apprentissage et acquisition de compétences
Peyman a toujours voulu « apprendre comment apprendre ». En se confrontant à de nouveaux sujets et de nouveaux problèmes, il a beaucoup appris de ses erreurs.
« J’apprends des choses tous les jours sans arrêt. Je dois perfectionner mes compétences régulièrement, alors j’essaie de trouver de nouvelles façons d’apprendre rapidement. Je suis satisfait de tout ce que j’ai exploré pendant mes recherches », déclare-t-il en soulignant l’importance de prendre des risques pour améliorer ses compétences pendant son doctorat.
Peyman a rencontré de nombreux défis qu’il a surmontés en étant ouvert d’esprit et curieux. Il a expliqué : « J’ai consulté beaucoup de documents étant donné que j’en savais peu sur l’optimisation. J’ai surtout travaillé dans le domaine de la modélisation de simulation. » Il ajoute : « J’ai dû trouver un moyen de résoudre de nouveaux problèmes d’optimisation pendant mes recherches. Par exemple, dans mon premier chapitre, j’ai dû trouver un compromis entre plusieurs objectifs contradictoires en établissant un lien entre un modèle d’optimisation stochastique et d’optimisation déterministe. J’ai appris de nouveaux langages de programmation ainsi que diverses méthodes de résolution pour aborder les problèmes sur lesquels je travaille. »
Travailler avec mes superviseurs
Pour acquérir de nouvelles connaissances, il a puisé chez des professeurs et chercheurs qui étaient disposés à l’aider et bien informé sur le sujet de ses recherches. Peyman a également eu l’occasion de travailler avec d’autres membres du corps professoral de Telfer lors de ses recherches et de ses activités d’enseignement. Il a donc pu enrichir son expérience grâce à divers projets de recherche et en donnant des cours de premier cycle. Quand Peyman parle des professeurs à Telfer, il n’en dit que du bien : « ils ont rendu mon expérience au programme de doctorat encore plus fructueuse en me faisant part de leurs connaissances. »
Le professeur Jonathan Patrick s’est également exprimé sur l’enthousiasme de Peyman pour l’apprentissage : « L’une des raisons pour lesquelles j’ai adoré travailler avec Peyman est sa volonté d’assumer de nouvelles tâches et d’apprendre de nouvelles méthodes ou de nouveaux logiciels. Il n’hésite pas à apprendre de nouvelles méthodologies et demande volontiers des conseils quand il en a besoin. Il possède des caractéristiques qui l’aideront à poursuivre sa carrière de chercheur sans problème. »
Lors de ses deux premières années au doctorat, Peyman a suivi tous les cours dont ils avaient besoin. Il a expliqué : « mes superviseurs m’ont appuyé à bien des égards, comme pour choisir les bonnes méthodes à utiliser dans mes cours et dans les hauts et les bas auxquels peut faire face un nouvel arrivant d’un autre système éducatif. Ils m’ont également orienté vers les compétences et les méthodes supplémentaires dont j’avais besoin pour me préparer à l’examen de synthèse et à ma thèse. Je crois que ce soutien personnalisé a été d’une grande aide dans le déroulement de ma thèse. »
Être un étudiant au doctorat pendant la COVID-19
Effectuer des recherches sur une pandémie de la maison
Lorsque la pandémie a sévi en 2020, Peyman, comme beaucoup d’autres, n’avait aucune idée de ce qui allait se passer pour son éducation. Cependant, il s’est avéré que c’est la pandémie elle-même qui l’a amené à élaborer ce qui serait le premier chapitre de sa thèse.
« Alors que j’explorais différents problèmes de soins à domicile pour commencer à écrire le premier problème d’optimisation de ma thèse, la pandémie a frappé. Nous avons cerné un nouveau problème lié à l’admission de patients à traitement facultatif à l’hôpital pendant les pandémies, qui est devenu plus tard mon premier chapitre. Le problème était de savoir comment admettre ces patients dans un hôpital pendant une pandémie tout en veillant à ce que les hôpitaux soient prêts à libérer une certaine capacité pour les patients affectés par la COVID-19 en cas d’augmentation subite de la demande de ces derniers », a expliqué Peyman. Ce problème s’est manifesté après la première vague de la COVID-19, alors que les hôpitaux faisaient face à des retards très importants en ce qui concerne les opérations chirurgicales non urgentes à la suite d’annulations.
« Ce qui s’est passé pendant la première vague était nouveau pour les hôpitaux. Ils croyaient qu’il y aurait énormément de demandes en lien avec la COVID-19, donc ils ont laissé beaucoup de lits et de ressources vides pour ces patients là, mais ils ne sont jamais venus. Leurs ressources sont donc demeurées sous-utilisées alors qu’ils avaient dû annuler de nombreuses opérations chirurgicales non urgentes, ce qui a entraîné un nombre élevé de patients à traitement facultatif qui attendaient d’être soignés. »
Peyman s’est concentré sur ce nouveau sujet, malgré l’incertitude entourant le sujet et sa méthode de solutions. Ses recherches sur la COVID-19 ont été menées à la maison, comme le veut une pandémie.
« J’étais tout le temps à la maison pendant la pandémie. J’ai suivi les nouvelles qui étaient pertinentes pour mes recherches », a exprimé Peyman. Il a précisé qu’étant donné que c’était un nouvel enjeu, il avait encore beaucoup de travail à faire de la maison. « J’ai lu les nouvelles, j’ai cherché des mots-clés et des articles spécifiques. J’ai travaillé d’arrache-pied pour créer une nouvelle méthodologie. »
Bref, il a réussi à trouver une solution à ce problème, soit un programme de planification des rendez-vous des patients à traitement facultatif qui permettrait d’admettre des patients pendant les vagues épidémiques, tout en veillant à ce que l’hôpital puisse libérer suffisamment de lits pour ceux qui sont affectés par la COVID-19 sur une courte période de préavis.
Gérer les répercussions des prochaines vagues épidémiques
Peyman espère atténuer l’impact négatif de la COVID-19 et des autres vagues épidémiques à l’avenir grâce à ses recherches.
« Il y aura peut-être plus de prochaines vagues épidémiques. À l’avenir, nous pouvons tirer des leçons de la première vague, et je crois que les résultats de mon travail de recherche peuvent aider les hôpitaux à réduire les annulations », a-t-il expliqué.
Le modèle aiderait les hôpitaux à s’adapter plus rapidement et plus efficacement que lors de la première vague de la COVID-19, ce qui permettrait une reprise post-pandémie plus rapide.
Participer à des conférences
Lorsque Peyman a poursuivi ses recherches et élaboré la structure des chapitres à venir, ses superviseurs l’ont invité à présenter les conclusions de son premier chapitre au congrès annuel de la Société canadienne de recherche opérationnelle (SCRO) de 2021. « Ce fut une excellente occasion pour moi de faire part de ce travail de recherche et d’obtenir la rétroaction de participants et d’experts dans ce domaine. Heureusement, nous avons reçu des commentaires encourageants, surtout au sujet de la nouveauté et de l’actualité du sujet, ainsi que de la méthode novatrice développée », a-t-il dit. Peyman a aussi fait une présentation à la conférence annuelle de 2021 de l’Association canadienne pour la recherche sur les services et les politiques de la santé (ACRSPS).
Terminer une thèse
Peyman explique que l’objectif principal de ses travaux est d’« établir un équilibre entre les besoins des patients et de l’utilisation des ressources de soins de santé et de trouver une solution optimale/quasi-optimale. » Il en tient compte dans l’achèvement des deux prochains chapitres de sa thèse.
Les prochaines étapes qu’il entamera consisteront à approfondir les méthodes de solution pour les problèmes complexes qu’il tente de résoudre dans la planification des soins infirmiers à domicile et dans le routage, ainsi que dans l’ordonnancement par période des centres anticancéreux.
« Je vais développer une méthode heuristique/métaheuristique capable de fournir une bonne solution dans un délai raisonnable. C’est ce que font les analystes en recherche opérationnelle lorsqu’il est très difficile d’atteindre la solution optimale à des problèmes mathématiques combinatoires. »
L’impact de son travail de recherche est non seulement d’actualité, mais pourrait aussi améliorer l’efficacité de la planification et de l’ordonnancement au sein du système de santé canadien.
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Rédigé par Mirou Jaana, professeure titulaire à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa, et directrice du programme de maîtrise en gestion des soins de santé. Cet article a d'abord été publié sur Options Politiques le 5 mai 2021.
Il est impossible d’imaginer le monde d’aujourd’hui sans Internet, sans transactions numériques, sans vidéoconférences ou sans communications avec la famille et les collègues au moyen d’un ordinateur ou d’un cellulaire. Pourtant, nous vivons toujours avec l’idée que notre système de soins de santé n’a pas d’échange d’information électronique transparent entre les organismes de soins de santé, les fournisseurs et les patients. Bien que certains progrès aient été réalisés à cet égard, c’est une réalité qui, aujourd’hui, persiste à divers degrés.
Ce fut un long voyage. Les services de santé ont suivi de près le parcours de la connectivité numérique, mais n’ont pas su profiter pleinement de la vague. Les raisons peuvent varier selon les points de vue des différents acteurs, mais une chose est certaine : il est difficile d’évaluer et de comprendre pleinement l’état de la connectivité numérique dans notre système de santé aujourd’hui.
Si nous examinons le système de santé comme une toile d’araignée, nous remarquons que des parties de cette toile sont bien construites et connectées, alors que d’autres sections sont moins bien ficelées. Au Canada, il y a d’importants écarts entre les provinces et les territoires en matière de connectivité numérique en santé, et la nature complexe du système de santé complique davantage la situation. Cette complexité se manifeste par une double compétence provinciale/territoriale et fédérale avec des politiques, un financement et des structures de remboursement bien institutionnalisées; une disparité numérique entre plus d’une dimension — rural contre urbain, génération âgée vs jeune, conditions sociales diverses; et une fragmentation déconcertante des services de santé.
Après les premiers efforts nationaux en matière de TI au Canada à la fin des années 1990, Inforoute Santé du Canada (ISC), un organisme indépendant sans but lucratif financé par le gouvernement fédéral, a été créé en 2001 avec le mandat de diriger les efforts nationaux en matière de TI. Cela comprenait l’élaboration d’un dossier de santé électronique interfonctionnel pour tous les Canadiens. Depuis sa création, l’ISC a reçu 2,45 milliards de dollars de financement fédéral et a joué un rôle actif et important en tant qu’investisseur stratégique dans des projets de TI en santé dans les provinces et les territoires, ce qui a contribué à améliorer la connectivité numérique. Ces investissements ont évolué au fil du temps et ont pris de l’ampleur, passant de projets liés à l’infrastructure à des projets axés sur les outils numériques utilisés par les cliniciens, ainsi que sur des applications permettant aux patients eux-mêmes de recueillir, d’extraire et de gérer leurs données liées à la santé.
Notre société a fait beaucoup de progrès sur le plan de la connectivité numérique en général. Selon Statistique Canada, 88 % des Canadiens et 60 % des personnes de 65 ans et plus possèdent un téléphone intelligent. La plupart des Canadiens (91 %) utilisent Internet et 75 % utilisent également des sites Web et des applications de réseaux sociaux.
Une étude récente a révélé qu’environ 40 % des Canadiens font le suivi d’un ou de plusieurs aspects de leur santé à l’aide de technologies de soins connectées. Cela témoigne de la demande croissante de la connectivité numérique dans les soins de santé. En retour, les organisations de santé instaurent de plus en plus de nouveaux systèmes et de nouvelles technologies sur les lieux de soins qui appuient la connectivité numérique. Environ 85 % des cabinets médicaux utilisent des dossiers médicaux électroniques (DME), et les hôpitaux ont accéléré l’implémentation du DME intégral qui remplace les systèmes non intégrés existants. Ainsi, l’Hôpital d’Ottawa, en partenariat avec cinq autres organismes de la région d’Ottawa, a opté pour le même système de DME qui permettra l’échange d’information rapidement et une meilleure connectivité et intégration de soins.
Selon l’ISC, l’utilisation de la télésanté a également augmenté au fil du temps, atteignant 1,5 million de consultations par année, mais cela représente encore une portion relativement faible de l’ensemble des services de santé. Depuis 2019, deux initiatives ont vu le jour et visent à améliorer la connectivité en matière de prescriptions électroniques et à appuyer l’accès des patients à leurs renseignements médicaux au moyen de portails pour les patients. Toutefois, ces initiatives en sont encore aux premières étapes, et leur développement varie considérablement d’une province à l’autre.
Malgré les progrès réalisés, des défis et des écarts considérables persistent, et l’accès aux renseignements médicaux est limité pour les patients. À moins de recevoir des soins d’un même organisme, d’un système intégré ou d’un réseau de fournisseurs de soins de santé, un patient qui navigue le système de santé constate que c’est souvent à lui de communiquer tous les renseignements pertinents liés à ses antécédents médicaux et les médicaments qu’il prend à chaque point de service. C’est particulièrement difficile dans le cas des personnes âgées atteintes de maladies chroniques qui interagissent fréquemment avec le système de santé.
Une étude récente sur l’utilisation de technologies mobiles de santé chez les personnes de 65 ans et plus, comparée à celle de la population adulte générale, révèle que la majorité des Canadiens qui utilisent des applications et dispositifs mobiles, comme les montres et bracelets intelligents pour l’autosuivi de leur santé, ne partagent pas ces données avec leur professionnel de la santé. L’adhésion aux programmes de télésoins pour la gestion de maladies chroniques demeure également limitée malgré l’abondance de données scientifiques démontrant son efficacité à réduire l’hospitalisation et les taux de mortalité, et à améliorer l’état clinique des patients. Le succès de l’intégration des programmes pilotes de télésoins dans les soins standard, semblables à celui de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, est faible.
Selon l’Association médicale canadienne, l'interopérabilité des systèmes et l'intégration des informations dans l'ensemble des soins restent limitées. L’instauration de DME a progressé, mais seule une faible proportion des cabinets médicaux canadiens permet la communication électronique avec les patients. Par exemple, peu d'entre eux fournissent des demandes de rendez-vous et des renouvellements d’ordonnance électroniques. La transmission d’informations entre les omnipraticiens et les spécialistes, ou les hôpitaux et les maisons de retraite, et le partage des sommaires d’études cliniques ou des résultats des tests sont limités et incohérents.
De plus, les hôpitaux d'une même ville qui peuvent se transférer ou s'adresser mutuellement des patients ont parfois des systèmes de DME qui ne communiquent pas. Plus important encore, la connectivité numérique en contexte de soins de longue durée et aux aînés est minime. La récente pandémie de la COVID-19 a révélé les défis majeurs observés dans ces contextes par rapport à la correspondance entre les personnes âgées et leurs familles, les soignants et les fournisseurs de soins de santé. Elle a également mis en évidence les problèmes existants en matière de saisie et de partage en temps utile d'informations cliniques pertinentes avec d'autres organisations de soins de santé.
Une question évidente se pose : que faire maintenant? À ce stade, se regrouper et comprendre notre situation actuelle est essentiel pour façonner les décisions que nous prenons concernant l'état futur de la connectivité numérique dans le domaine des soins de santé.
Une vaste expérience et des données probantes issues de plus de 20 ans de projets de TI en santé dans toutes les provinces sont disponibles. Il nous revient d’exploiter ces connaissances pour éclairer les changements stratégiques et pratiques, et d’appliquer des principes de gestion fondés sur des données probantes alors que nous planifions les prochaines étapes. Le leadership fédéral est essentiel pour appuyer un exercice de planification stratégique à l’échelle nationale et permettre les changements de politiques et de règlements qui lui sont nécessaires. Le gouvernement canadien peut jouer un rôle important dans l’avancement du programme de santé numérique au moyen d’incitatifs et de politiques qui peuvent stimuler des changements nationaux pour combler le déséquilibre numérique et les écarts actuels.
En temps de crise, nous découvrons nos limites et nos capacités. La pandémie actuelle a démontré que le système de santé peut être agile et s’adapter rapidement en cas de besoin. En réponse à la COVID-19, la prestation des soins de santé a changé du jour au lendemain au Canada. Nous avons mis fin à l’inertie et avons fait ce qui était considéré comme impossible avant la pandémie en passant à la prestation de différents types de soins virtuels partout au pays. Les autorités sanitaires provinciales ont rapidement mis en place des codes de tarification pour couvrir les services de santé virtuels. C’était un appel à l’action, et le système de santé et les autorités sanitaires y ont répondu. Toutefois, cette crise a aussi révélé le « talon d’Achille » de notre système de santé, soit les soins de longue durée et aux personnes âgées, qui bénéficieraient grandement de la connectivité numérique.
Il est temps que les soins de santé s’aventurent dans la connectivité numérique. Une réforme pancanadienne qui intègre officiellement les soins virtuels et la connectivité dans la discussion sur l’avenir des soins de santé est méritée. C’est un très long voyage dans le domaine de la santé, mais nous l’avons déjà commencé.
Cet article fait partie du dossier spécial « La connectivité numérique à l’ère de la COVID et au-delà » publié par Options Politiques.
Cet article a d'abord été publié sur Options Politiques et est republié ici sous une licence Creative Commons.
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Nos étudiants à la maîtrise en gestion des services de santé (MGSS) orientent un débat plus sain avec leur travail final dans le cadre du cours Health Care in Canada (MHA6360). Ce cours, dirigé par la professeure adjointe Agnes Grudniewicz, consiste en un projet intéressant à titre de travail final qui implique la possibilité d’être publié en ligne. Les étudiants devaient préparer un article d’opinion sur un sujet d’intérêt choisi dans le but ultime d’être publié dans Healthy Debate, une revue canadienne en ligne qui vise à fournir de l’information facile à comprendre sur le système de santé.
L’occasion d’avoir un impact au-delà de la salle de classe
La professeure Grudniewicz a dit : « C’était la première fois que je donnais le cours, alors j’ai dû créer un programme à partir de rien. Je voulais faire un travail final où les étudiants pouvaient appliquer les connaissances et les compétences acquises en classe à un sujet qui les intéressait. Je voulais aussi quelque chose qui pourrait aller au-delà de la salle de classe, qui pourrait être utilisé pour améliorer leur CV et les aider dans leur carrière. »
La professeure Grudniewicz a découvert la plateforme en ligne Healthy Debate pour la première fois lors de ses études de doctorat, car leur bureau de rédaction était situé à l’hôpital St. Michael’s de Toronto, où elle effectuait ses recherches.
« L’idée d’inclure Healthy Debate comme plateforme d’apprentissage appliqué m’est venue cet été, tout en planifiant la première prestation en ligne du cours en raison de la pandémie. J’ai simplement décidé de communiquer avec eux. », a-t-elle ajouté. « Ils étaient très enthousiasmés par l’idée, car ça s’alignait avec leur nouvel objectif d’utiliser leur plateforme comme une opportunité d'apprentissage. »
L’expérience d’écrire pour Healthy Debate
Pour ce travail, les étudiants devaient suivre toutes les consignes pour rédiger un article d’opinion tel que décrit sur le site web de Healthy Debate. Les étudiants avaient l’occasion de lire des articles d’opinion déjà publiés sur la plateforme pour comprendre le ton et le style de ce genre d’articles courts.
Allant de 650 à 900 mots, les articles d’opinion sont beaucoup plus difficiles à rédiger que les plus longs documents de recherche habituels, car les idées, le contenu factuel et l’information argumentative doivent être concis. « C’était un exercice difficile puiqu’ils devaient s’adapter au style de Healthy Debate, qui est très différent de la rédaction académique à laquelle ils sont habitués. C’est percutant et court. Les étudiants ont dû réfléchir à des façons d’écrire sur un sujet spécialisé pour un public plus vaste, en utilisant des termes courants et en expliquant des concepts. », a expliqué la professeure Grudniewicz.
Les étudiants ont eu l’occasion de consulter les rédacteurs du Healthy Debate concernant leur sujet et de travailler avec eux afin de soumettre l’article pour publication. Cette consultation et la soumission au Health Debate étaient des éléments facultatifs du projet, mais les étudiant étaient fortement encouragés à profiter de cette fantastique opportunité pour étoffer leurs travaux, car ceux-ci devaient être de qualité suffisante pour être publiés dans Healthy Debate après avoir été notés.
« Le travail pour Healthy Debate a été une excellente expérience d’apprentissage, car nous avons pu choisir un sujet de notre choix sur la santé. Nous étions fiers de partager notre opinion avec un vaste public et de sensibiliser les gens à la santé mentale en cette période de COVID-19 », ont exprimé Mohcene Abdessemed et Sandra Blais-Amyot, étudiants de la maîtrise en système de santé et coauteurs de l’article d’opinion maintenant publié, Pandemic, winter taking toll on Canadians’ mental health. « Nous avons eu l’occasion d’interviewer un professionnel en santé mentale afin de recueillir son point de vue sur la situation actuelle. Nous avons trouvé que la professeure du cours et les rédacteurs du Healthy Debate nous ont énormément aidé avec leurs commentaires constructifs qui ont guidé et renforcé notre article. »
Pour le travail, il était également demandé de créer un balado de 10 minutes où un étudiant discute avec un autre sur le sujet de son article dans Healthy Debate. « Les étudiants ont obtenu d’excellents résultats dans ce volet. Ils m’ont surpris par leur créativité et leur enthousiasme », s’est exclamée la professeure Grudniewicz.
Leçons tirées
« Publier dans Healthy Debate a été une excellente occasion de collaborer avec un collègue et d’ajouter notre expertise à un sujet qui nous passionne tous les deux. Cela nous a permis non seulement d’appliquer ce qu’on avait appris en cours à une question de politique concrète, mais aussi d’utiliser nos antécédents professionnels respectifs pour apporter nos points de vue différents sur la question. », explique Joey Taylor, étudiant à la MGSS et coauteur de It’s time to get moving, Canada.
« Je pense que cela a été une expérience formidable pour ces étudiants car ils ont pu choisir un sujet qui était important pour eux, soit en raison de leur expérience personnelle ou parce qu’un sujet que nous avons couvert en classe a suscité un nouvel intérêt », exprime la professeure Grudniewicz. Elle a conclu : « La MGSS forme nos futurs chefs de file dans le domaine des soins de santé. Dans le cadre de ce projet, je voulais donner à nos étudiants l’occasion de participer à la conversation et de se faire entendre sur des sujets qui leur tiennent beaucoup à cœur. J’espère que la publication de leurs travaux les incitera à continuer de participer activement aux discussions sur les politiques de santé afin d’améliorer nos systèmes de soins de santé. »
Lisez les articles de nos étudiants au MGSS publiés par Healthy Debate :
‘Cure sometimes, treat often, comfort always’: The importance of support networks, par Brent Leonard
Addressing racism in Indigenous health – Moving beyond systemic reassurance, par Amanda Larocque et Maddie Venables
Fighting fire with fire: Managed Alcohol Programs need to be widely implemented, par Steven Parker et Erin Tighe
It’s time to get moving, Canada, par Joey Taylor et Talia Ignacy
CANZUK: A cure for our healthcare challenges?, par Anna Wu et Priyank Tyagi
Pandemic, winter taking toll on Canadians’ mental health, par Mohcene Abdessemed et Sandra Blais-Amyot
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Une enquête pancanadienne unique en son genre lève le voile sur les comportements des aînés envers les technologies de la santé.
Titre du projet
IT Innovation and the Elderly: Technology Acceptance and Use in the Community
Chercheuse
Mirou Jaana, École Telfer
Subvention à l’appui de la recherche
Subventions Savoir du CRSH
Période
2017-2020
La professeure Mirou Jaana a entrepris une nouvelle étude qui permettra d’obtenir des données nationales sur l’utilisation des technologies de télémonitorage par les personnes âgées. Cette recherche est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).
Les technologies de télémonitorage (appelé aussi télésoins à domicile) existent depuis des dizaines d’années, mais on en sait peu sur les facteurs qui favorisent leur acceptation et leur utilisation. Selon Mirou Jaana, ces connaissances permettraient aux fournisseurs de soins de santé et aux décideurs de rédiger des lignes directrices sur la façon la plus avantageuse pour les patients de recourir au télémonitorage.
Dans le cadre du premier volet de son étude, la chercheuse et ses collègues mènent une enquête pancanadienne auprès de personnes âgées en vue d’évaluer leurs attitudes et comportements envers la technologie. L’enquête étudiera différentes applications générales de cybersanté, en plus de technologies spécialisées pour l’utilisation à domicile telles que les montres intelligentes, qui ont fait l’objet d’une attention accrue au courant des dernières années. Dans un second volet, la professeure Jaana et son équipe se pencheront sur les facteurs qui contribuent à l’acceptation et à l’utilisation de technologies de télémonitorage par les personnes âgées.
Si le look et le confort de ces technologies sont en constante évolution, leurs fonctions de base n’ont pas beaucoup changé, confie la professeure Jaana : « Ces technologies visent essentiellement à établir un lien entre un fournisseur de soins ou un responsable de dossier et un patient qui vit dans la communauté (p.Ex., chez lui ou dans une maison de retraite) et exige une attention et un suivi important. » Exemple : un patient qui souffre d’insuffisance cardiaque porte un appareil qui transmet de l’information sur les variations de son poids. En fonction de ces renseignements, l’infirmière pourra ajuster les médicaments du patient. Ce dépistage précoce de la détérioration de l’état du patient présente des avantages importants en empêchant les complications risquées et en évitant les visites inutiles dans les hôpitaux. Ceci est particulièrement important dans le cas des patients âgés.
Portant sur les facteurs d’acceptation de la technologie, la nouvelle étude de la professeure Jaana se fondera sur les résultats de ses recherches antérieures qui révélaient que le télémonitorage offrait de nombreux bienfaits aux patients âgés atteints d’une maladie chronique. En effet, le télémonitorage a des effets positifs importants sur les patients en ce qui a trait à leurs compétences de soins personnels et à leur gestion de maladies chroniques. « En mettant l’accent sur les facteurs d’acceptation, notre recherche révèlera les obstacles et les facilitateurs potentiels qui peuvent permettre une utilisation plus efficace du télémonitorage chez les patients âgés avec des problèmes instables », poursuit Mirou Jaana. Le télémonitorage soutient une intervention rapide en identifiant l’état de santé des patients, qu’ils ne remarqueraient pas par eux-mêmes, et ce avant que les complications ne nécessitent une visite à l’hôpital.
« Le domaine du télémonitorage prend de la maturité, mais il faut encore recueillir des données empiriques sur l’intégration de ces technologies dans le cadre des lignes directrices, souligne la professeure. En raison du vieillissement de la population, nous avons la responsabilité de comprendre les besoins des personnes âgées et de profiter des outils et des technologies qui les soutiennent, comme les applications de cybersanté. »
- Catégorie : Gestion des systèmes de santé
Craig Kuziemsky discutera des avantages inattendus associés à l’implantation de systèmes d’information sur la santé (SIS) à l’occasion de la conférence européenne sur l’informatique médicale intitulée European Medical Informatics Conference qui se tiendra à Pise en Italie le 27 août prochain. Le professeur Kuziemsky et son équipe de chercheurs du Canada, de la Norvège, et de l’Australie se sont appuyés sur plusieurs études de cas concernant l’implantation de SIS pour élaborer un modèle des avantages inattendus associés à l’utilisation de SIS, selon trois catégories d’avantages : le patient, la prestation de services et l’administration. Ils ont également étudié les répercussions de ces avantages sur la conception et l’évaluation des SIS. Les avantages n’étaient pas visibles avant que ces systèmes soient utilisés dans de véritables milieux et situations cliniques, contrairement aux conséquences négatives de l’implantation de SIS, lesquelles sont faciles à identifier étant donné qu’elles soulèvent des problèmes qui attirent généralement une attention immédiate.