Quand on pense à la biométrie, on pense souvent à la reconnaissance faciale nous permettant de déverrouiller nos téléphones cellulaires. Or, cette technologie – qui nous promet sécurité, responsabilité et commodité – prend discrètement de plus en plus de place au travail et au quotidien.
Son usage se répand pour la surveillance des travailleuses et des travailleurs dans de nombreux domaines, soulevant ainsi d’importants enjeux éthiques – tout particulièrement chez les personnes qui travaillent à la demande, comme les conductrices et conducteurs d’Uber. Combiné au degré d’autonomie très limité que ces gens connaissent au travail, le phénomène illustre bien les défis éthiques que pose la technologie biométrique.
Tout en tentant de composer avec les implications éthiques, sociales et opérationnelles des avancées en biométrie, des décisionnaires politiques, des équipes de recherche et des organisations du monde entier explorent comment cette technologie peut transformer les dynamiques de travail, bonifier la productivité et préserver le bien-être des personnes.
C’est dans ce contexte que le professeur Jasmin Manseau a reçu une subvention de développement Savoir du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour son projet intitulé « Ethical boundary management in

the age of biometrics », qui vise à étudier le rôle des principes éthiques, de la confiance et de la conception centrée sur la personne dans le déploiement de systèmes biométriques basés sur l’intelligence artificielle, par exemple les outils de reconnaissance faciale et de détection de la fatigue employés pour surveiller les conductrices et conducteurs d’Uber.
Le projet du professeur Manseau portera plus précisément sur deux enjeux complémentaires en vue d’explorer comment l’éthique, la technologie et la participation des utilisatrices et des utilisateurs pourraient s’unir pour favoriser l’innovation équitable et responsable.
Il examinera d’abord la mise à l’épreuve des principes éthiques par la biométrie : comment elle peut brouiller les rôles au sein d’une organisation – par exemple lorsque les ressources humaines et les technologies de l’information collaborent pour mettre en place des systèmes d’accès biométriques ayant des conséquences sur la sécurité au travail et la vie privée des membres du personnel –, et comment ces systèmes influencent les liens entre les objectifs organisationnels et les droits des employées et des employés, dans un esprit de confiance et de transparence. Le but est de trouver des stratégies qui permettent d’arrimer l’efficacité à des valeurs humaines comme l’autonomie, la dignité et le bien-être, pour que la biométrie puisse être utilisée de manière éthique, préserver la dignité des gens et favoriser un travail valorisant.
Le deuxième objectif du projet consiste à explorer comment la réciprocité, le respect et l’engagement engendrent la confiance à l’égard de la biométrie, afin d’élaborer un cadre éthique axé sur la participation sincère des utilisatrices et utilisateurs. Ce cadre visera à orienter le développement de systèmes conçus de manière éthique, dignes de confiance et favorisant l’autonomie des utilisatrices et utilisateurs afin d’améliorer leur bien-être tout en permettant l’efficacité organisationnelle.
L’incidence de l’utilisation responsable de la technologie biométrique
Le projet du professeur Manseau vient combler d’importantes lacunes dans la compréhension de l’utilisation éthique des systèmes biométriques. Il proposera un cadre pour concevoir des systèmes qui rendent les organisations plus efficaces tout en respectant les droits individuels, et mettra en lumière les problèmes et inquiétudes touchant les travailleuses et travailleurs à la demande, particulièrement visés par la surveillance biométrique. Les résultats permettront à ces personnes de se prémunir contre les risques pour la vie privée, la surveillance et la déshumanisation quotidienne qu’elles subissent.
Le projet énoncera également des lignes directrices pratiques pour les décisionnaires politiques, les équipes de conception et les organisations afin de les encourager à répondre aux défis éthiques de la surveillance accrue des travailleuses et travailleurs. En combinant la perspective des organisations à celle des utilisatrices et utilisateurs, ce projet contribuera à favoriser la confiance, le soutien et l’équité, et à faire en sorte que la technologie biométrique soit conforme à des valeurs éthiques.

