De nombreuses organisations recueillent une foule de données lors de leurs activités quotidiennes, mais n’en tirent pas parti. Toutefois, nombre d’entreprises ont récemment pris conscience du potentiel inexploité des données pour générer de nouvelles sources de revenus et améliorer leurs méthodes de travail. C’est là qu’entre en jeu la monétisation des données, qui consiste à générer de l’argent (ou de la valeur économique) à partir des données, en les commercialisant ou en les utilisant pour améliorer les opérations et l’expérience de la clientèle. Par exemple, Facebook gagne de l’argent en vendant les données à des publicitaires (monétisation directe). De son côté, Amazon ne vend pas les données, mais les utilise pour recommander des produits aux internautes, ce qui accroît les ventes et la fréquentation du site (monétisation indirecte).
Une vraie mine d’or
Face à la montée en valeur des données, de plus en plus d’organisations investissent dans l’apprentissage machine, l’intelligence artificielle (IA) et l’expertise analytique pour mieux les interpréter. Ces informations permettent d’orienter la réflexion pour trouver, par exemple, des moyens d’améliorer les services, d’augmenter les ventes, de diminuer les coûts, ou encore de développer l’entreprise. Néanmoins, pour que la monétisation des données crée réellement de la valeur pour les entreprises et la société, il faut bien plus que des algorithmes. Il faut des plateformes numériques conçues avec soin pour protéger les données des internautes, empêcher leur utilisation à mauvais escient et faire profiter tout le monde – pas seulement les grandes sociétés et les spécialistes des technologies.
Le fer de lance de cette démarche est le professeur Morad Benyoucef, expert en systèmes d’information à l’École

de gestion Telfer. Financé par une prestigieuse subvention à la découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), il étudie comment concevoir de meilleures plateformes numériques permettant de partager et d’utiliser les données pour générer des bénéfices non seulement économiques, mais aussi sociaux.
Ses travaux portent ainsi sur les plateformes numériques de partage, d’achat ou de vente de données. Concrètement, il s’agit de marchés en ligne qui mettent en relation les personnes et entités qui achètent et qui vendent des données. Certains de ces marchés sont en accès libre, comme les sites Web gouvernementaux qui donnent des renseignements gratuits sur la circulation automobile, la pollution ou la santé publique. D’autres sont réservées au commerce interentreprises (plateformes B2B). Il existe aussi des marchés permettant aux particuliers de vendre leurs données personnelles à des entreprises (plateformes C2B).
Le professeur Benyoucef s’intéressera à ces trois catégories. Avec son équipe, il utilisera des technologies de pointe, telles que l’IA, pour concevoir et mettre à l’essai des prototypes de plateformes numériques. L’objectif est d’aider les gens et les organisations – en particulier les parties prenantes qui n’ont pas accès aux technologies les plus récentes, comme les petites entreprises, les groupes communautaires et les personnes ayant peu de compétences technologiques – à comprendre les données et à s’en servir.
« Des plateformes de monétisation pensées pour intégrer des modèles d’affaires novateurs qui offrent des données et des services connexes appuieront une économie et une gouvernance fondées sur les données, tout en assurant le contrôle des individus sur leurs renseignements personnels. Tout cela aura des retombées économiques et sociales importantes », avance le professeur Benyoucef.
Ce projet financé par le CRSNG renforcera le leadership du Canada en innovation numérique, tout en apprenant à une nouvelle génération d’étudiantes et d’étudiants de premier cycle et des cycles supérieurs à concevoir des technologies sensées. En combinant conception réfléchie, considérations éthiques et retombées, Morad Benyoucef contribue à poser les bases d’un avenir plus juste et équitable. Dans un monde où les données ont une valeur marchande, ses travaux nous rappellent que les progrès technologiques ne doivent pas uniquement viser l’innovation et le profit. Il est essentiel d’envisager quels groupes seront avantagés ou laissés pour compte, et d’oser construire des systèmes numériques qui servent vraiment l’intérêt général.