Recyclage optimiste : un cycle de mauvaise conscience
En cette époque où la durabilité revêt une importance primordiale, le recyclage demeure l’un des meilleurs moyens dont nous disposons pour protéger l’environnement. Ce procédé comporte de nombreux avantages : non seulement il permet de réduire l’enfouissement des déchets et de fléchir la courbe de la consommation de ressources non renouvelables, qui ne cesse de s’accentuer, mais il permet aussi de créer une économie circulaire et d’économiser l’énergie en minimisant la transformation de matières brutes.
Toutefois, les centres de tri sont confrontés à un défi de taille : le recyclage optimiste, soit le fait de mettre dans le bac bleu un objet non recyclable dans l’espoir qu’il soit recyclé. Or, cette pratique contamine le cycle de recyclage et crée encore plus de déchets parce que les lots contaminés ne peuvent être traités et doivent être réacheminés vers les sites d’enfouissement.
La professeure Argiro Kliamenakis s’est vu octroyer par le Conseil de recherches en sciences humaines une subvention de développement Savoir pour étudier la pratique du recyclage optimiste. Son projet, intitulé Wishcycling: When Consumer Recycling Goes Wrong (Recyclage optimiste : quand le recyclage domestique tourne mal), vise à analyser ce qui motive cette façon de faire et à mettre au point des interventions pour la contrer. La chercheuse se penchera sur les mécanismes psychologiques qui poussent les consommatrices et consommateurs à adopter cette approche, analysera les caractéristiques des produits qui la favorisent et testera des campagnes de sensibilisation susceptibles de la décourager.
Bonnes intentions et culpabilité
« Quand j’ai lu que le taux de contamination du recyclage atteignait plus de 25 % et qu’il continue d’augmenter dans de nombreuses villes canadiennes, j’ai été abasourdie. Mais le plus intéressant, c’est que la plupart du temps, ça part d’une bonne intention : les gens ont vraiment l’impression de contribuer à protéger l’environnement, soutient la chercheuse. L’information est facilement accessible… mais si les gens se sentent coupables de jeter un objet aux ordures, il y a peu de chances qu’ils s’informent de sa recyclabilité. Ils préféreront plutôt le jeter dans le bac de recyclage en espérant qu’il soit recyclable. J’aimerais savoir s’il est possible de renverser la situation. »
Les recherches actuelles laissent entendre que le recyclage, de par ses effets positifs sur l’environnement, s’inscrirait dans une norme morale. Ainsi, jeter un objet aux ordures éveillerait un sentiment de culpabilité en raison de son impact négatif sur l’environnement. Les consommatrices et consommateurs préféreraient s’abstenir de se renseigner, et des articles non recyclables se retrouveraient par conséquent dans le mauvais bac.
Retombées de la recherche
S’il existe des études sur les conditions favorisant le recyclage, celles traitant des facteurs qui découragent le recyclage optimiste et encouragent le véritable recyclage, elles, brillent par leur absence. Pour combler cette lacune, la professeure Kliamenakis mènera quatre études expérimentales dans les installations du laboratoire INSPIRE et du Système intégré de participation à la recherche.
Ces travaux contribueront à documenter la pratique du recyclage domestique et permettront en outre de formuler des recommandations concrètes dont les organisations et les têtes dirigeantes pourront s’inspirer pour concevoir des messages d’intérêt public qui font la promotion de comportements de recyclage appropriés.