À la suite d’une hausse des tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium par le président des États-Unis, Donald Trump, qui les porte à 50 %, les entreprises de divers secteurs s’efforcent de se préparer à une hausse des coûts et à de possibles perturbations économiques, y compris au risque d’une récession. Ce changement protectionniste dans la politique commerciale est un exemple concret de la façon dont les décisions macroéconomiques entraînent des répercussions sur les secteurs d’activité et les entreprises qui en font partie. Cela soulève des questions importantes : pourquoi certaines entreprises parviennent-elles à rebondir rapidement après une récession, tandis que d’autres s’effondrent presque du jour au lendemain? S’agit-il simplement de malchance ou y a-t-il une raison économique plus profonde qui l’explique?
Les professeurs Adelphe Ekponon de l’École de gestion Telfer et Hyacinthe Somé de l’Université de Sherbrooke s’attaquent à ces questions dans le cadre d’un projet financé par une subvention de développement de la recherche de Telfer. L’équipe a pour objectif de construire un nouveau modèle prédictif afin de mieux comprendre comment les conditions macroéconomiques, comme les récessions, l’inflation ou la fluctuation des taux d’intérêt, influencent non seulement sur les entreprises individuelles, mais aussi des secteurs entiers.
Pour ce faire, les chercheurs se concentrent sur un facteur clé : la concurrence. Certains secteurs, comme ceux

des technologies ou de la vente au détail, comptent plusieurs entreprises qui se font concurrence. D’autres, comme ceux des services publics ou des télécommunications, sont contrôlés par seulement quelques grandes entreprises. L’idée est que ces deux types de secteurs réagissent très différemment lorsque l’économie se détériore, comme lors d’une récession. Or, la plupart des recherches existantes sur le rendement des entreprises ont tendance à regrouper ces dernières dans une seule grande catégorie, sans vraiment tenir compte des différences entre les secteurs auxquels elles appartiennent.
Pour combler cette lacune, l’équipe utilisera des données provenant des États-Unis afin d’analyser le rendement d’actions et de suivre les tendances du secteur au fil du temps. L’objectif est de déterminer dans quelle mesure le rendement d’une entreprise, y compris son rendement boursier, dépend des conditions macroéconomiques ou de facteurs propres à son secteur d’activité. Il leur faudra donc étudier comment l’entrée et la sortie des entreprises façonnent la dynamique de secteurs entiers et des marchés dans lesquels elles opèrent, et si cette dynamique varie pendant les périodes économiques favorables ou défavorables (cycle d’expansion et de récession).
L’équipe prévoit que ces tendances peuvent aider à expliquer pourquoi certaines entreprises survivent, tandis que d’autres échouent. Par exemple, Ekponon explique, « Nous anticipons que les entreprises des secteurs concentrés ont tendance à mieux résister à une récession, car elles réalisent des bénéfices plus stables. À l’inverse, les entreprises des secteurs hautement compétitifs connaissent pour leur part des hauts et des bas plus marquantes. Le cours de leurs actions peut s’envoler en période de croissance économique, mais chuter considérablement en période de récession, car le va-et-vient de la concurrence ne réduit pas leur exposition à l’évolution des forces du marché. »
Les recherches du professeur Ekponon arrivent au bon moment, alors que l’incertitude économique augmente et que les politiques commerciales protectionnistes de l’administration américaine prennent de l’ampleur. Ce type de politiques peut bouleverser des secteurs entiers en augmentant les coûts, en perturbant les chaînes d’approvisionnement et en provoquant des répercussions sur les marchés canadiens et mondiaux. Cette étude ne fera pas seulement progresser le domaine en introduisant un modèle économique prédictif plus précis qui tiennent compte des différences entre les secteurs d’activité, mais elle révélera également quels secteurs sont les plus sensibles aux chocs économiques. Ainsi, les chercheurs espèrent offrir des conseils clairs aux investisseurs, aux chefs d’entreprise et aux décideurs pour traverser les périodes difficiles, et en sortir plus forts.