Séminaires des nouveaux professeurs – Ana Maria Peredo
Rendre l’invisible visible : repenser l’entrepreneuriat pour laisser place à l’espoir
Dans un monde qui connaît de multiples crises simultanées, de nombreuses personnes et communautés déplacées doivent refaire leur vie. Comme certaines et certains d’entre vous, ou comme vos parents et grands-parents, je suis venue ici pour échapper à la violence politique. Plus précisément, j’ai fui la guerre avec le Sentier lumineux dans mon pays d’origine, le Pérou. Cette expérience a orienté mes recherches. Malgré le stress et les perturbations, il y a quelque chose de précieux que les déplacements et les autres formes d’assimilation ne m’ont pas volé : tout ce que j’ai appris en grandissant au Pérou, et en travaillant à un hôpital psychiatrique dans un bidonville, puis comme journaliste dans les Andes et anthropologue affectée à des projets de développement au bénéfice des populations autochtones et rurales démunies.
Quand j’ai commencé à travailler dans les Andes péruviennes, j’étais fascinée par la capacité des communautés désavantagées à mobiliser les ressources environnementales et culturelles pour surmonter les difficultés et favoriser le bien-être collectif. J’en suis venue à considérer cette force comme une forme distincte d’« entreprise ». Depuis 30 ans, je m’intéresse énormément aux communautés urbaines et rurales des pays du Sud et du Nord qui n’attendent pas de solutions d’ailleurs pour tracer leur propre voie, à la lumière de leurs pratiques sociales, culturelles et spirituelles. Voilà qui ouvre la porte à un autre genre de « développement » ou d’« entreprise ». Le truc, c’est de laisser tomber notre vision habituelle de la gestion pour poser un regard neuf sur les choses.
Au fil des ans, j’ai collaboré avec divers groupes pour trouver des moyens de réduire la pauvreté et de promouvoir la justice sociale; je continue aujourd’hui à étudier le rôle de la coopération, de la réciprocité et de la solidarité dans les transformations sociales. Cela dit, il n’est pas toujours facile d’évoluer à mi-chemin entre activisme et recherche. Ainsi, je livrerai mes réflexions, et j’expliquerai où j’en suis et où je m’en vais.
À propos du conférenciere
Professeure d’entrepreneuriat social et inclusif à l’École de gestion Telfer, Ana María Peredo est aussi professeure d’écologie politique (en congé) à l’École d’études environnementales de l’Université de Victoria (C.-B.) où elle a également occupé les fonctions de directrice du Centre d’économie coopérative et communautaire (le CCCBE).
Les travaux de Mme Peredo contribuent à notre compréhension des stratégies employées localement pour lutter contre la pauvreté, à savoir le développement de moyens de subsistance gratifiants et viables puisés dans la culture et l’environnement spécifiques du lieu. Ce sont son parcours universitaire en anthropologie et en gestion ainsi que son expérience sur le terrain dans les Andes de son Pérou natal qui l’ont menée à étudier d’autres modèles économiques, de même que leur incidence sociale et environnementale à l’échelle locale.
Plusieurs de ses publications clés – sur les initiatives d’économie communautaire, l’entrepreneuriat autochtone, les entreprises sociales et l’économie solidaire – figurent ainsi dans diverses revues spécialisées telles que l’Academy of Management Review, le Journal of Business Ethics, le Journal of Business Venturing, le Journal of Peasant Studies et les revues Entrepreneurship, Theory and Practice, Organization et World Development, parmi de multiples autres revues et anthologies de référence dans le domaine.
Son travail lui a valu nombre de distinctions et bourses de recherche, et elle siège aujourd’hui à plusieurs conseils d’administration universitaires et professionnels. Actuellement rédactrice adjointe de la revue Organization et co-coordinatrice de la section européenne du groupe de travail permanent sur les études des organisations à l’ère de l’anthropocène, la chercheuse est également la présidente sortante de la Western Academy of Management.