En matière de développement durable, les petites et moyennes entreprises innovent de façon multiple et subtile, observe Martine Spence. (Photo : Andrea Campbell / Université d'Ottawa)

Qu'il s'agisse de mode, d'alimentation ou de services, les consommateurs privilégient de plus en plus le local, le responsable, le bio et le réutilisable… Le développement durable n'est plus un concept abstrait : il trouve sa place dans toutes les sphères du quotidien.

Effet de mode ou réelle prise de conscience? Quoi qu'il en soit, les entreprises n'y échappent pas. C'est ce que constate Martine Spence, professeure de marketing et d'entrepreneuriat à l'École de gestion Telfer de l'Université d'Ottawa.

Depuis 10 ans, elle étudie les pratiques de développement durable et l'engagement social des petites et moyennes entreprises (PME). « Les PME contribuent de manière importante à l'économie des pays, elles y créent la majorité des emplois. Leur impact sur l'environnement et la société n'est pas négligeable, explique la chercheuse, qui s'intéresse à ces structures depuis longtemps. J'ai grandi dans le Sud de la France, où il y avait beaucoup de petits entrepreneurs. Pendant mes études de commerce, les grandes entreprises me paraissaient trop abstraites, trop politiques… Les PME, au contraire, sont menées par des gens qui adorent leur métier. Cela m'a toujours intriguée. »

Comment les PME embrassent-elles les pratiques de développement durable? Quelles sont leurs motivations et quels obstacles doivent-elles surmonter? Martine Spence analyse leurs comportements sur trois axes : respect de l'environnement, respect des personnes et respect de la communauté.

« Ce que nous avons constaté, c'est que le degré d'engagement dépend de la volonté de l'entrepreneur. Ce sont les citoyens sensibles à ces questions dans la sphère privée qui mènent leur entreprise le plus loin en termes de responsabilité sociale et environnementale », résume-t-elle.

Qu'il s'agisse d'éteindre les ordinateurs le soir, d'installer des thermostats éconergétiques, de favoriser les transports actifs ou d'investir dans des technologies moins énergivores, les PME n'hésitent pas à implanter des pratiques « vertes ». « Ces entreprises sont particulièrement innovantes; elles sont flexibles, n'ont pas d'actionnaires et peuvent ainsi rapidement réorienter leur stratégie », observe Mme Spence.

Les investissements ne les effraient pas, au contraire. « Quand les PME embarquent, elles innovent beaucoup : elles savent qu'il va y avoir un retour positif », ajoute-t-elle, soulignant que, pour la plupart des entrepreneurs, l'objectif premier n'est pas de faire de l'argent, mais plutôt d'être actifs dans la communauté et de nourrir leur passion.

Qu'en est-il ailleurs dans le monde? Les défis sont-ils les mêmes partout? La chercheuse, qui travaille sur l'internationalisation de ces entreprises et fait partie de l'Observatoire international du développement durable en PME rattaché à l'Université de Montpellier, en France, a récemment comparé des PME situées au Canada, au Cameroun et en Tunisie. Son constat? « Le développement durable n'est pas encore incrusté dans les mentalités du Sud, même si certains entrepreneurs tunisiens y voient des possibilités commerciales. Ces pratiques peuvent les aider à faire affaire avec l'Europe. »

Les entreprises n'y sont pas moins engagées dans la communauté pour autant. « Certaines donnent par exemple un mouton à la communauté pour l'Aïd, dit-elle. Leur engagement social est inné, plutôt mû par la religion. » À l'heure de la mondialisation, ces observations montrent que la généralisation du développement durable ne se fera qu'en tenant compte du contexte socioculturel. Et que l'inspiration peut venir de partout, du Nord comme du Sud.

par Marine Corniou