Les investissements dans les analyses de mégadonnées ne donnent pas nécessairement de mégaretombées. Deux chercheurs de l’École de gestion Telfer explorent comment tirer une valeur accrue de ces initiatives.
Dans une nouvelle recherche financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), les professeurs Ajax Persaud et Sandra Schillo de l’École de gestion Telfer chercheront à savoir si les petites et moyennes entreprises (PME) sont prêtes à tirer profit de la manne de données qui sont à leur disposition.
La même rengaine bourdonne aux oreilles des dirigeants de petites entreprises depuis des années. Les PME qui maîtrisent les mégadonnées seront en mesure de jouer dans les ligues majeures. Les PME qui obtiennent les bonnes données pointues et les aptitudes analytiques qu’il faut seront mieux en mesure de prendre les bonnes décisions dans le nouvel univers des médias numériques. Pourtant, la moitié des projets de mégadonnées tombent à l’eau. Que peuvent faire les PME ?
« La plupart des PME abordent les projets d’analyse de mégadonnées avec beaucoup de prudence, et on ne peut pas vraiment les blâmer », confie la professeure Schillo. En effet, on ne sait pas encore bien comment tirer toute la valeur de ces initiatives. « C’est une grande source d’inquiétude actuellement, parce qu’il est essentiel pour le Canada que ces entreprises demeurent à l’affût de l’analyse des mégadonnées pour rester concurrentielles à l’échelle mondiale. »
Le professeur Persaud ajoute que « L’analyse des mégadonnées devient rapidement un axe majeur pour les dirigeants d’entreprises, la principale préoccupation étant d’extraire la valeur maximale des données importantes. Cela transformera la gouvernance d’entreprise et la prise de décision. » Cette transformation est tellement rapide que, selon les prédictions du Big Data Consortium du Canada, nous connaîtrons bientôt une grave pénurie d’employés possédant le bon ensemble de compétences dans ce domaine. « En quelques années à peine, la capacité à stocker, saisir, traiter et analyser cette information a pris une grande importance stratégique pour les entreprises, explique Persaud. Elles se demandent toutes comment utiliser ces aptitudes à leur avantage. »
Il ajoute cependant que l’analyse des mégadonnées pose toujours un bien grand risque pour la plupart des petites entreprises, même pour celles qui souhaitent plus que tout profiter de leurs retombées et qui ont les ressources pour le faire. « La capture et l'extraction des données n’ajoutent pas automatiquement à la valeur ou à de meilleures décisions: les bonnes personnes possédant les bonnes compétences sont nécessaires pour générer des connaissances précieuses et la gestion doit agir de manière stratégique pour exploiter la valeur des connaissances. »
Dans le cadre de leur étude, les chercheurs de Telfer utiliseront des méthodes qualitatives et quantitatives pour évaluer si les PME sont prêtes à tirer parti des mégadonnées. Si la plupart des recherches dans ce domaine s’intéressent surtout aux technologies qui les entourent, les professeurs Persaud et Schillo, eux, souhaitent explorer les processus, les stratégies et les ressources de gestion de l’analyse des mégadonnées. Parallèlement, ils contribueront à la création de cadres de travail, d’échelles et d’indicateurs qui, à leur tour, éclaireront leur côté « gestion ». Ils s’attendent à produire des idées concrètes sur la question, au profit des PME canadiennes, du domaine de la gestion universitaire et du milieu des décideurs publics en matière d’entrepreneuriat.
Selon les chercheurs, comme toutes les initiatives qui visent à préparer les PME à exploiter les mégadonnées pour accroître leur compétitivité, leur étude s’aventure sur un terrain miné. Mais une chose est sûre : en raison de l’importance des PME pour l’économie et compte tenu de la promesse des mégadonnées, il est maintenant temps d’aider les entreprises à ouvrir le coffre-fort qui leur permettra d’accéder à cette richesse. « D’un côté, il y a ceux qui sont très euphoriques à propos des avantages de l’analyse des mégadonnées pour les PME. De l’autre, il y a ceux qui prônent la prudence pour éviter aux entreprises de subir de lourdes pertes », indique la professeure Schillo. « Mais il est probable qu’aucun des deux groupes ne soit très près de la réalité, ajoute le professeur Persaud. Nous espérons que notre recherche permettra de dresser un portrait réaliste de la situation. »