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Gregory Richards, M.B.A., Ph. D., FCMC
Directeur du programme de maîtrise en administration des affaires (MBA) de l'École de gestion Telfer et du Centre de recherche sur l’analytique et la performance.

Une récente étude menée par le McKinsey Global Institute laisse entendre que les gouvernements du monde entier peuvent débloquer 3 billions de dollars en valeur économique en exploitant les données de façon plus efficace. Cependant, la plupart des organismes gouvernementaux vous diront qu'ils sont aux prises avec le partage des données et la gestion des questions de protection de la vie privée, et qu'ils doivent trouver le temps et les capacités pour vraiment utiliser les données de manière efficace. Dans ce court article, j'aborderai certains des succès et des défis des organisations du secteur public. Je terminerai par un aperçu d'une étude de cas démontrant comment résoudre l'un des problèmes fondamentaux : intégrer l'analytique à « la façon dont nous faisons des affaires » dans les organisations du secteur public.

En termes de réussite, certaines organisations ont ouvert des bureaux réservés à l'analytique pour traiter les données. Au Canada, de nombreuses organisations comme l'Agence du revenu du Canada et Service Canada disposent de pratiques d'analytiques assez robustes. Aux États-Unis, plusieurs organisations ont élaboré des approches analytiques qui visent à améliorer l'efficacité et l'efficience des programmes. Le IBM Centre for the Business of Government à Washington a relaté bon nombre de ses efforts. Ces organisations ont réussi à surmonter les problèmes de partage des données et elles ont été en mesure de s'associer à des universités et à d'autres établissements axés sur l'analytique pour tirer profit des données de nouvelles manières intéressantes.

En dépit de ces quelques succès, l'un des défis clés est de faire de l'analytique un processus de base au sein des organisations. La résistance culturelle demeure forte. Bien sûr, une partie du problème réside dans le fait qu'il est difficile de se fier à des données dont la source n'est pas certaine et si nous ne comprenons pas comment les données ont été transformées. De plus, des livres comme How To Lie with Statistics (comment mentir grâce aux statistiques) ont montré qu'il était possible de confondre analyse et interprétation et d'interpréter les statistiques comme on le souhaite avec un ensemble de données précis.

Comment une organisation peut-elle surmonter la résistance culturelle à l'intégration de l'analytique à titre de processus opérationnel de base? Une organisation provinciale a réalisé cette tâche bien avant que l'expression « mégadonnées » ne devienne populaire. Il importe de souligner ici que l'organisation n'a pas cherché à lancer un programme de mégadonnées mais qu'elle a plutôt voulu améliorer l'efficacité et l'efficience du programme et a constaté que la prise de décision fondée sur des données probantes s'est avérée utile. Le succès reposait sur trois éléments essentiels. Premièrement, l'organisation avait reçu un mandat clair de l'administrateur général qui a insisté sur les objectifs stratégiques mesurables. Deuxièmement, l'organisation détenait une multitude de données sur lesquelles elle pouvait s'appuyer pour prendre des décisions éclairées, mais elle a consacré beaucoup d'effort à assurer l'exactitude des données. Finalement, plutôt que de pointer un doigt accusateur, l'accent a été mis sur l'apprentissage.

L'organisation en question (qui souhaite garder l'anonymat) était en mesure de départager les énoncés de mission et d'autres documents de planification nécessaires afin de se concentrer sur trois objectifs mesurables de haut niveau. De toute évidence, un certain nombre de cibles secondaires ont contribué à ces objectifs, de sorte que la première étape a été la mise en place d'un réseau de mesures claires applicables à chaque centre de responsabilité au sein de l'organisation.

La prochaine étape a été déconcertante alors que l'organisation s'est rendu compte que les données qu'elle possédait étaient désuètes et souvent contradictoires. Un investissement de millions de dollars sur une période de 12 mois a permis de nettoyer les données et de mettre en place des pratiques et des procédures pour la gestion de la qualité des données et la validation des données. Tout au long du parcours, les décideurs ont été sensibilisés aux entrepôts de données, à l'utilisation des données, ainsi qu'à quelques-unes des techniques analytiques. L'organisation n'a pas été assez crédule pour penser qu'elle pourrait ou devrait transformer les gestionnaires en analystes. Elle était toutefois assez éduquée pour fournir des renseignements de base afin que ses gestionnaires deviennent attentifs  à l'analyse de données. Les gestionnaires comprenaient suffisamment le sujet pour savoir comment examiner de manière critique les rapports et quand faire appel à des experts.

Enfin, l’élément le plus important renvoie à l'aspect humain de l'organisation, les résultats de tous ces calculs ont servi à stimuler l'apprentissage et le changement. Lorsqu'un problème était soulevé ou qu'une possibilité était constatée, les gestionnaires commandaient des études, menaient des exercices d'analyse comparative et diffusaient l'apprentissage à grande échelle au sein de l'organisation afin que toute mesure à prendre fût entièrement comprise par les personnes qui devaient la prendre. Il est facile de créer un milieu de travail toxique si nous utilisons des programmes analytiques pour pointer du doigt ce qui ne va pas. Les personnes se sentiront constamment surveillées. Elles peuvent devenir craintives de commettre des erreurs et, par conséquent, le programme analytique pourrait produire un effet opposé à l'effet attendu. Toutefois, lorsque le programme est axé sur l'apprentissage, l'organisation émerge comme un groupe souhaitant améliorer les choses, sans crainte d'admettre ses erreurs et d'en tirer des leçons. Cela ne veut pas dire que la responsabilisation est compromise, mais plutôt que le côté dur des calculs de ces programmes contient aussi un contexte plus humaniste.

Dans ce court article, j'ai souligné certains des défis, mais j'ai aussi mis en évidence certaines des réussites associées à l'utilisation de l'analytique au sein d'organisations gouvernementales. Bon nombre de ministères et d'agences s'appuient sur un certain nombre d'analyses, mais il est temps, à présent, de songer à intégrer le processus décisionnel factuel au sein de l'organisation. Les facteurs clés du succès incluent un solide mandat dès le départ, l'assurance d'un niveau de qualité élevé et l'inclusion de l'analytique dans une culture pertinente qui trouve un équilibre entre l'apprentissage et la croissance.