Le contexte conditionne la réussite des projets en Afrique
Comme bien d’autres continents, l’Afrique a connu les affres de la pandémie, et sa reprise économique s’annonce ardue. Il faut savoir que, même avant la COVID-19, le taux d’échec des projets était élevé en Afrique francophone. Le professeur Lavagnon Ika, qui s’intéresse au sujet, a décroché une subvention Savoir du Conseil de recherches en sciences humaines en vue d’étudier l’influence du contexte (économique, politique, socioculturel, institutionnel et managérial) sur la mise en œuvre des projets en Afrique francophone. Son travail prendra en compte différents points de vue afin d’établir ce qui contribue à la réussite ou à l’échec des projets.
Titre du projet : Le rôle du contexte dans les projets en Afrique
Nous avons demandé au professeur Ika ce qui l’a amené à embrasser ce domaine de recherche. « Je suis né au Bénin (en Afrique de l’Ouest) et j’y ai grandi. J’y ai vu des projets inachevés, des retards et des dépassements de coût. De plus, les « éléphants blancs », les déceptions des parties prenantes et le désarroi des bénéficiaires étaient monnaie courante. Pourtant, dans des circonstances similaires, d’autres projets se concrétisent bien en Afrique. Ainsi, je me suis toujours demandé en quoi le contexte influence la mise en œuvre des projets. »
L’influence du contexte sur la réussite ou l’échec d’un projet
Selon la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne est une région du monde propice au développement économique et social. Des milliards de dollars sont investis en Afrique dans des projets de développement international et d’autres initiatives financées localement. Ces fonds sont destinés à des initiatives communautaires à grande échelle, à des infrastructures résilientes, à la mobilité rurale, à la réforme du secteur public et l’accès aux énergies renouvelables, notamment. Or, il semble que le financement ne soit pas toujours le problème en Afrique. On observerait plutôt que les sommes disponibles ne sont pas systématiquement affectées aux bons projets. D’après un article de McKinsey, intitulé Solving Africa’s Infrastructure Paradox (Résoudre le paradoxe des infrastructures en Afrique), fort évocateur des taux d’échec des projets en Afrique, l’investissement est là, mais « on relève que la plupart des projets d’infrastructure en Afrique ne franchissent pas l’étape du montage financier : moins de 10 % l’atteignent, et 80 % achoppent au stade des études de faisabilité et de l’analyse de rentabilisation en particulier (business case). » Les recherches du professeur Ika ont permis d’établir que plus de 50 % des projets – visant par exemple le développement des infrastructures ou le renforcement des capacités – soit ne livrent pas les résultats escomptés ou ne remplissent pas les attentes des partenaires et des bénéficiaires pour différentes raisons, dont notamment la méconnaissance du contexte. L’article Four Reasons Why Projects Fail in Africa (Quatre motifs d’échec des projets en Afrique) traite plus en détail de telles raisons.
Manifestement, le contexte peut avoir une grande incidence sur la réussite ou l’échec d’un projet. En fait, les effets des circonstances économiques, politiques, juridiques, socioculturelles, institutionnelles, managériales, ainsi que d’autres niveaux de contexte sont indéniables, mais leur rôle dans la réussite des projets reste à préciser. Le professeur Ika a auparavant étudié les circonstances qui préexistent au lancement ou qui surviennent en cours de mise en œuvre des projets. Désormais, il cherche à cerner les enjeux contextuels qui conduisent à la réussite ou à l’échec des projets dans des pays africains francophones comme le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Sa démarche l’amènera à interroger des parties prenantes dans 12 grands projets, notamment des superviseurs de projet, des gestionnaires de projet, ainsi que des spécialistes techniques et des bailleurs de fonds, afin de jauger l’influence de contextes différents sur la mise en œuvre des projets, selon des perspectives de gestion et de développement (économique et social). Ces grands projets qui font partie de l’échantillon de l’étude ont obtenu un financement national ou international.
« C’est bien connu et cela est sur toutes les lèvres : le contexte a toute son importance. Or, il est temps d’étudier ses différents aspects et la manière dont ils s’inter-influencent au fil du temps pour affecter positivement ou négativement la mise en œuvre des projets en Afrique francophone, où la complexité sociopolitique tend à être très élevée », précise le professeur Ika.
Améliorer les pratiques de gestion de projet et le développement durable en Afrique
Les travaux apporteront une contribution théorique au domaine de la gestion de projet, mettant en lumière l’influence possible, à terme, de différents contextes sur la réussite ou l’échec des projets en Afrique francophone. Les conclusions de l’étude pourront orienter les prescripteurs de politiques publiques et les praticiens. Elles leur permettront d’avoir une meilleure appréciation du contexte africain dans son ensemble, de sa nature dynamique et de son influence sur la mise en œuvre des projets. Concrètement, l’information colligée pourra aider l’ensemble des parties prenantes à améliorer les pratiques de gestion de projet et à favoriser la réussite d’initiatives de développement durable en Afrique.
Lavagnon Ika est professeur titulaire de gestion de projet, directeur fondateur de l’observatoire des grands projets, chargé du dossier des partenariats avec les universités africaines, ancien directeur du programme MSc en gestion à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa, et professeur co-affecté à l'École de développement international et mondialisation de l'Université d'Ottawa.
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