Les affaires en français
Dans le monde des affaires, on observe facilement la place que prend l’anglais comme langue dominante. Cependant, le français est la troisième langue des affaires dans le monde et son utilisation augmente dans tous les domaines. L’École de gestion Telfer est bien placée pour en tirer avantage : Telfer priorise le bilinguisme dans son offre de cours, et compte plusieurs membres francophones du corps professoral.
Un pont entre deux langues
L’un des nombreux membres francophones de la Telfer Nation, le professeur Adelphe Ekponon, confirme que la force du bilinguisme est une des raisons qui l’ont poussé à postuler à Telfer. « On y témoigne de la pluralité de la francophonie, et c’est de toute beauté. C’est un environnement où il existe un bel équilibre. » Natif de la Côte d’Ivoire, le professeur Ekponon enseigne et mène des projets de recherche en finance. Bien que tout se passe principalement en anglais dans ce domaine, le professeur Ekponon est bien content de pouvoir enseigner des cours en français également. Il prend plaisir à échanger en français avec les étudiantes et étudiants à qui il enseigne, ainsi qu’avec ses collègues.
L’importance des ressources en français
Malgré le statut bilingue de l’Université d’Ottawa, son corps professoral est confronté à certains défis pour enseigner en français. Entre autres, la professeure Muriel Mignerat et le professeur Eric Nelson décrient la pénurie de ressources en français, et travaillent à y pallier. Tous deux récipiendaires de la Subvention REL de la Bibliothèque, ils se sont engagés à créer des ressources pour des cours qu’ils enseignent en français à Telfer.
En janvier 2023 et avec l’appui de Mélanie Brunet, bibliothécaire de l’éducation ouverte à l’Université d’Ottawa, la professeure Mignerat a publié la deuxième version de son Manuel ADM1770 – Application des technologies de l'information en gestion sous forme de ressource éducative libre (REL) dans la Bibliothèque libre d’eCampusOntario. Cette plateforme, financée par le gouvernement de l’Ontario, a pour mandat de soutenir le développement et le partage de pratiques exemplaires pour l’apprentissage en ligne, comme les ressources gratuites et ouvertes. Le site compte actuellement 1 424 ressources en anglais, et que 189 en français.
Quelque 1 600 étudiantes et étudiants du B.Com. à Telfer suivent des cours en français, soit environ 36% des inscriptions à ce programme. ADM1770 étant un cours obligatoire dans leur programme, cette tranche de la population étudiante profite de ce manuel en double, puisqu'il est offert gratuitement et en français.
Pour créer cette ressource, la professeure Mignerat s’est servie de matériel existant comme point de départ et l’a adapté au contexte francophone canadien (voire hors Québec), en y ajoutant des exemples pertinents relatifs au milieu et en actualisant les détails sur les technologies plus récentes. Plusieurs étudiantes et étudiants ont participé à l’élaboration de ce manuel libre, en y intégrant par exemple des travaux d’équipes.
De son côté, le professeur Nelson a presque terminé l’élaboration d’un manuel pour le cours ADM1701 – Gestion et société, qu’il enseigne depuis trois ans. Il espère publier le manuel comme ressource éducative libre en avril 2024.
La création de cette ressource répond à un réel besoin : « Je me retrouve souvent à devoir utiliser des ressources en anglais pour enseigner, ou bien des manuels en français où seulement 40 % du contenu est pertinent. Je devais confectionner mon propre manuel de toute façon en allant chercher des articles, des chapitres de livres, etc., alors j’ai voulu créer un recueil de toutes les ressources déjà accumulées qui pourrait servir de manuel. »
Le professeur Nelson ajoute qu’il envisage un manuel dynamique, où il pourra ajouter des nouvelles composantes et modules au fil du temps. Pour ce faire, il se met à l’écoute de la population étudiante, ce qui permet d’adapter le contenu du cours (et donc du manuel) selon leurs besoins. La subvention REL de la bibliothèque a servi à financer l’utilisation de logiciels qui permettent au pédagogue d’enregistrer et de transcrire les leçons qu’il donne, pour ensuite réviser et adapter le contenu afin de l’ajouter au manuel.
Encourager la recherche en français
Toutes et tous s’entendent sur le fait que les REL servent non seulement d’outil pédagogique, mais également d’inspiration à faire de la recherche en français. La professeure Mignerat et Madame Brunet organisent d’ailleurs un colloque lors du 91e congrès de l’Acfas en mai 2024, intitulé « Les ressources éducatives libres (REL) en contextes francophones canadiens : recherche et intégration aux pratiques éducatives au postsecondaire ». Leur souhait : inciter les membres de la communauté de recherche à se pencher sur l’analyse et l’évaluation des REL.
Madame Brunet croit que l’ère des projets pilotes est terminée, et que les REL ont fait leurs preuves. « Le développement des REL en français rejoint les objectifs de l’Université. En rendant permanents nos programmes d’appui, dont le financement et les subventions, on ouvre la porte à faire plus de recherche à ce sujet, à mieux évaluer les REL, ce qui viendra justifier leur existence. »
La professeure Mignerat renchérit, précisant que ça comble un besoin stratégique pour le corps professoral. Elle ressent l’appui du doyen et ses collègues quant au travail qu’elle fait pour développer des ressources éducatives libres, mais pour que ce travail soit reconnu au niveau académique, il doit faire l’objet d’une évaluation (reconnaissant la qualité du produit) et surtout se traduire en publications de recherche. « C’est un paradoxe : on doit travailler au développement des ressources pour pouvoir les évaluer, mais on doit évaluer les ressources afin de démontrer le besoin d’en développer. »
…et y faire de la place
Pour sa part, Sylvain Durocher souhaite surtout promouvoir la recherche bilingue et les débats scientifiques en français. Professeur de comptabilité à Telfer, il avoue que l’anglais domine dans son domaine également, mais qu’il y existe un réel appétit pour des occasions d’échanger en français. Pour ce faire, il a codéveloppé un colloque pour le congrès de l’Acfas qui permettra justement à « la communauté de chercheuses et chercheurs francophones et francophiles de discuter et d’échanger plus fondamentalement sur les façons de disséminer davantage la recherche en français et de s’affranchir de l’hégémonie anglophone en recherche ».
Le congrès de l’Acfas est le plus grand rassemblement scientifique multidisciplinaire de la francophonie. Le 91e congrès annuel aura lieu à l’Université d’Ottawa du 13 au 17 mai 2024. Inscrivez-vous!
Pourquoi ce colloque? « Ici au Canada, il n’existe pas vraiment de tribune où on peut discuter de recherche en français, donc nous avons proposé ce colloque. Notre objectif est que ça devienne pérenne. » explique le professeur Durocher. Les co-organisateurs songent déjà à préparer une soumission pour le prochain congrès de l’Acfas en 2025, et le professeur Durocher espère continuer cette envolée jusqu’à sa retraite.
Intitulé « Recherche qualitative en comptabilité : un espace francophone pour poser un regard sur les (en)jeux comptables au sein des organisations et de la société », le colloque du professeur Durocher compte une dizaine de présentations d’universitaires francophones, dont un panel sur la concrétisation d’un espace francophone en recherche comptable qualitative. Un des panélistes, Yves Gendron, co-organisateur du colloque, professeur en comptabilité à l’Université Laval, fera valoir que la revue « Critical Perspectives on Accounting », où il occupe le rôle d’éditeur, accepte dorénavant les soumissions d’articles rédigés en français, et s’engage à un processus de révision en français. Ceci rendra la tâche plus facile pour toutes les personnes qui ont fait leurs études en français, leur permettant de rédiger dans leur langue d’apprentissage.
Tout à notre avantage
En fin de compte, tous les efforts déployés par les francophones et francophiles à Telfer servent à enrichir l’expérience étudiante, à augmenter la portée de la recherche, et à faire vivre le français dans le monde des affaires. Joyeux Mois de la Francophonie!