Redéfinir le temps pour aider les employeurs à soutenir le personnel ayant un handicap
Cet article est republié de The Conversation sous licence Creative Commons license. Lisez l'article original en anglais publié le 21 août 2023.
Si les personnes ayant un handicap ont droit à l’égalité en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et du Code provincial des droits de la personne, elles continuent de devoir composer avec des obstacles systémiques d’accès à l’emploi, à l’éducation, au transport et au logement.
On observe une sous-représentation de ces personnes sur le marché du travail canadien. En effet, seulement 60 % d’entre elles occupent un emploi au pays, contre 80 % des personnes sans handicap.
Des études révèlent également que les personnes ayant un handicap grave sont plus susceptibles de travailler à temps partiel que leurs compatriotes sans limitation physique. Les hommes handicapés, par exemple, sont trois fois plus à travailler à temps partiel que les autres hommes.
De plus, les personnes handicapées en âge de travailler ont deux fois plus de risque de vivre dans la pauvreté que la population sans handicap.
De récentes initiatives comme le projet de loi sur l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et des lois comme la Loi canadienne sur l’accessibilité sont des pas importants vers l’égalité, mais beaucoup reste à faire pour assurer l’épanouissement professionnel des personnes handicapées.
« La temporalité du handicap »
Un des moyens d’améliorer considérablement la vie des personnes ayant un handicap est de changer notre conception du temps afin de l’adapter aux obstacles rencontrés par ces personnes : cette nouvelle approche porte le nom de « temporalité du handicap ».
Ce concept reconnaît la réalité quotidienne des personnes ayant un handicap et leur expérience de la temporalité dans des domaines aussi variés que ceux du transport, de l’emploi et même des loisirs.
Le concept, développé par des scientifiques comme Alison Kafer et Ellen Samuels, pourrait aider sensiblement la population canadienne à repenser sa relation au handicap.
Prenons l’exemple fictif de Joanna. Elle est quadriplégique, utilise les autobus adaptés offrant un service porte-à-porte pour se déplacer, et réserve des services auxiliaires qui l’aident à fonctionner au quotidien.
Une personne comme Joanna risque d’arriver fréquemment en retard au travail puisque le transport adapté est souvent synonyme de longs temps d’attente. Dans plusieurs cas, il n’est pas possible d’effectuer une réservation, ce qui force les personnes handicapées à se tourner vers le transport en commun, difficile d’accès.
D’autres options, comme les taxis accessibles aux fauteuils roulants, sont souvent inexistantes ou trop chères. La grave pénurie de taxis accessibles aux fauteuils roulants ne fait que s’accentuer depuis quelques années.
Joanna pourrait également rencontrer des problèmes de retard ou d’absentéisme du personnel des services auxiliaires. Même les listes et les délais d’attente pour participer aux activités récréatives adaptées aux personnes en fauteuil roulant sont parfois substantiels.
L’accumulation de tous ces obstacles réduit considérablement la capacité de Joanna à accomplir son travail. La temporalité du handicap, qui tient compte de ces obstacles et de tous les autres affectant la vie quotidienne des personnes handicapées, peut servir de guide aux responsables des politiques et aux personnes militantes pour trouver des solutions plus efficaces.
Le télétravail
À la suite de la COVID-19, un nombre croissant de milieux de travail ont choisi d’adopter le télétravail, un changement colossal par rapport aux normes en vigueur avant la pandémie. Le télétravail, auparavant discrédité, est désormais une option pour aplanir les disparités vis-à-vis des personnes ayant un handicap.
Une étude en cours effectuée auprès d’adultes handicapés révèle que plusieurs des personnes participantes s’épanouissent professionnellement lorsqu’elles ont la possibilité de travailler de la maison.
L’une d’entre elles témoigne :
« Jamais mon bonheur et ma productivité, à la fois sur les plans personnel et professionnel, n’ont été aussi hauts que lorsque je ne travaillais qu’à distance. »
Une autre déclare que le télétravail a amélioré son état de santé :
« J’avais plus de temps pour penser à moi, planifier mes rendez-vous et prendre soin de ma santé mentale. Pour moi, le télétravail a eu des bienfaits extraordinaires. »
Le télétravail a indiscutablement le potentiel d’aider les personnes ayant un handicap à exceller professionnellement. Par conséquent, les entreprises devraient se montrer proactives et proposer ce type d’accommodements à leur personnel.
Des milieux de travail plus inclusifs
Nous devons revoir la conception de la productivité dans les milieux de travail. L’établissement de milieux flexibles permettant aux personnes de travailler à temps partiel ou à distance serait, par exemple, une approche qui favorise l’inclusivité.
Les entreprises offrant de tels milieux pourraient alors bénéficier du talent des personnes qui, autrement, en seraient exclues. Celles qui refusent d’embaucher des personnes ayant un handicap écartent des talents qui leur auraient été profitables.
Un milieu de travail flexible est aussi avantageux pour des personnes sans handicap, comme les parents de familles monoparentales et les étudiantes et étudiants qui ne peuvent travailler qu’à temps partiel. Le potentiel d’une politique sur la temporalité du handicap, dans un contexte où les gouvernements et les entreprises s’assureraient que le personnel à temps partiel reçoive les prestations nécessaires, est immense.
Bien que notre étude ne soit pas terminée, nous espérons que les résultats préliminaires permettront de revoir notre conception du rôle du temps dans la vie des personnes handicapées.
Grâce à la compréhension du rapport de ces personnes au temps, différent de celui des personnes sans limitation physique, nous pourrons bâtir un monde du travail plus inclusif, plus productif, pour tout le monde.