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#Moiaussi, harcèlement sexuel au travail et comment les organisations peuvent faire face aux défis actuels

La majorité d’entre nous connaissent quelqu’un qui a déjà fait l’objet de harcèlement sexuel au travail. Il n’est pas rare que ces victimes ressentent de la honte et qu’elles hésitent à dénoncer les actes par crainte de représailles. Ainsi, beaucoup de victimes préfèrent garder le secret.

Mais la situation change lentement. À la suite de récentes allégations de harcèlement sexuel au travail, un nombre croissant de femmes de tous les horizons trouvent le courage de briser ce trop lourd silence.

Nous commençons enfin à percevoir l’ampleur du problème, notamment à la suite des sorties publiques de grandes stars hollywoodiennes, d’athlètes médaillées d’or et de membres féminines de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui ont osé raconter leur histoire.

Ce qui a changé, c’est que les femmes ont trouvé un lieu sûr pour être entendues.

« Je crois que le mouvement #moiaussi et le fait que de plus en plus de gens soutiennent et écoutent les victimes ont encouragé beaucoup de femmes à parler du harcèlement sexuel qu’elles ont vécu dans leur vie de tous les jours, y compris au travail », explique la professeure de l’École de gestion Telfer Jane O’Reilly. La professeure étudie actuellement les relations interpersonnelles nocives, y compris le harcèlement sexuel, au sein des organisations.

Professeure Jane O'Reilly

Qui sont les principales victimes de harcèlement sexuel au travail ?

Nul ne peut ignorer que « ce sont principalement des femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel », rappelle la professeure O’Reilly. Selon des consultations publiques menées en 2017 par Emploi et Développement social Canada, les femmes sont plus susceptibles d’avoir déjà vécu du harcèlement sexuel au travail que leurs collègues masculins.

En outre, une enquête de 2017 donne à penser que 53 % des Canadiennes ont déjà fait l’objet d’une certaine forme de harcèlement sexuel au travail à un certain moment de leur carrière; toutefois, ce nombre est probablement plus élevé. « Il est très fréquent que le harcèlement sexuel au travail ne soit pas signalé », explique la professeure O’Reilly.

« Tu n’es pas des nôtres »

La professeure O’Reilly signale que les femmes sont des cibles de harcèlement sexuel au travail pour différentes raisons, mais elle ajoute que, dans un milieu de travail dominé par les hommes, « le harcèlement sexuel est souvent utilisé insidieusement pour éloigner les femmes, leur faire comprendre qu’elles ne font pas véritablement partie de l’équipe ».

Malheureusement, les auteurs de ces actes parviennent souvent à leurs fins : « Dans de nombreux cas, les victimes quittent complètement le domaine ou réorientent leur carrière vers des secteurs de l’organisation qui soutiennent davantage les femmes. »

« Pourquoi en faire tout un plat ? »

Le harcèlement sexuel au travail revêt également différentes formes et est très souvent difficile à remarquer. Il peut être transmis par la communication non verbale, par des attouchements discrets, mais non désirés, ou sous le couvert d’avances inoffensives de nature romantique. Un témoin de la scène pourrait ne rien remarquer d’anormal lorsqu’un collègue fait, même à répétition, des remarques flatteuses à une collègue.

Néanmoins, si les employés et la direction ferment les yeux sur ces formes subtiles de harcèlement, ils envoient le mauvais message : « Cette attitude risque d’ouvrir la porte à des formes plus poussées de harcèlement », prévient la professeure O’Reilly.

Importance de la réaction des témoins

Dans ses travaux de recherches, la professeure O’Reilly s’intéresse particulièrement au rôle des témoins après un incident de comportement inapproprié, y compris le harcèlement sexuel, à l’endroit d’une collègue.

Un témoin joue un rôle énorme dans le soutien d’une collègue victime de harcèlement sexuel au travail. Par exemple, il peut signaler l’auteur des actes ou simplement aider la victime à traverser les procédures administratives de plaintes. Cependant, il peut aussi empirer la situation en rejetant le blâme sur la victime ou en faisant fi de la gravité du comportement.

Les collègues sont plus enclins à montrer leur soutien envers une victime de harcèlement sexuel explicite. Toutefois, « si le harcèlement est subtil ou si les actes sont perçus comme n’étant “pas si pires”, la réaction des témoins risque d’être néfaste pour la victime », explique la professeure O’Reilly.

Conduite à tenir devant le harcèlement sexuel en milieu de travail

Il est crucial que les organisations mettent d’abord en place des politiques claires afin que tous les employés sachent à qui ils peuvent se confier s’ils ont fait l’objet de harcèlement sexuel au travail, connaissent la façon dont la situation sera traitée et soient informés de ce qui se passera lorsqu’une enquête sera déclenchée.

Les politiques imprécises en matière de harcèlement sexuel risquent de devenir elles-mêmes l’un des nombreux obstacles qui empêchent les victimes à déposer une plainte officielle. Par conséquent, « toutes ces politiques doivent minimalement être bien communiquées et bien comprises », conseille la professeure O’Reilly.

Les formations en milieu de travail contribuent à informer les employés sur les types de comportements qui ne sont pas acceptés, mais elles ne suffisent pas. Pour composer efficacement avec le harcèlement sexuel avant qu’un incident se produise, les organisations ne doivent pas se contenter de suivre les dispositions des lois provinciales et fédérales. Elles peuvent notamment encourager les gestionnaires à prendre toutes les formes de harcèlement sexuel au sérieux. La professeure O’Reilly croit que, « en soutenant et en respectant ceux et celles qui ont subi des actes malfaisants au travail, les leaders exemplaires servent de modèles et aident à mettre ces normes en place ».

Il est tout aussi crucial de trouver le candidat idéal dans l’embauche du ou de la responsable du traitement des plaintes de harcèlement sexuel. La professeure conseille aux organisations de chercher une personne « empathique et bienveillante qui n’a aucune tolérance envers le harcèlement, de quelque forme que ce soit ».

En faisant participer les modèles au traitement et à la prévention des cas de harcèlement sexuel au travail, les organisations sont plus susceptibles d’en réduire les risques. Plus important encore, ces mesures permettront aux organisations de favoriser de saines relations interpersonnelles en général.