Meilleurs ensemble : pour l’intégration des affaires et de l’entreprise sociale
De gauche à droite : Stéphane Brutus, doyen de l'École de gestion Telfer; Ana María Peredo, professeure et CRC en entrepreneuriat social et inclusif; Shantanu Dutta, vice-doyen (recherche)
La professeure Ana María Peredo de l’École de gestion Telfer s’est vu octroyer une chaire de recherche du Canada (CRC) de niveau 1 en entrepreneuriat social et inclusif. Le prestigieux Programme des chaires de recherche du Canada investit dans les travaux de chercheuses et chercheurs de calibre mondial pour promouvoir l’excellence en recherche au sein des établissements d’enseignement postsecondaire canadiens.
Pionnière dans son domaine, la professeure Peredo travaille depuis près de 25 ans à l’intégration de la justice sociale au monde des affaires. Grâce à cette chaire de recherche, elle pourra consacrer plus de ressources et de temps à ses recherches interdisciplinaires, qui jettent un éclairage nouveau sur l’entrepreneuriat en mettant l’accent sur l’impact social, la durabilité et l’inclusivité.
Une autre vision de l’économie
Une entreprise sociale a pour objectif premier de créer de la valeur pour la société; elle met ainsi la création d’emplois et les bénéfices au second plan. Pour être inclusive, elle doit favoriser l’expression de voix trop peu entendues, comme celles des femmes, des jeunes, des personnes racisées et des membres de la communauté LGBTQI2S+.
À cette fin, d’après la professeure Peredo, il faut changer de paradigme, soit conceptualiser l’économie sous un angle nouveau et s’ouvrir aux diverses visions du monde. D’ailleurs, de plus en plus de recherches mettent en évidence l’importance de la collectivité pour notre mieux-être : une approche centrée sur les gens peut en effet favoriser le mieux-être et entraîner des changements positifs au sein des communautés et ailleurs.
Lisez le récent article de la professeure Peredo, publié en anglais dans le Journal of Management Inquiry : We Are Boiling: Management Scholars Speaking Out on COVID-19 and Social Justice
La professeure Peredo s’intéresse à trois grands thèmes : l’entreprise en milieu communautaire, l’entrepreneuriat autochtone et le changement sociétal.
L’entreprise en milieu communautaire
Bien souvent, face à l’adversité, les meilleures solutions passent par la collaboration entre les membres d’une communauté et l’utilisation des ressources communes. C’est à partir de cette unité de vision et d’action que naissent les entreprises en milieu communautaire. Elles s’attaquent à des problèmes comme la pauvreté, l’inégalité et l’exclusion, en permettant aux gens d’exploiter leurs forces sans renier leurs valeurs.
La professeure Peredo a passé de nombreuses années à étudier la façon dont les communautés créent des entreprises visant plusieurs objectifs – économiques, certes, mais aussi sociaux, écologiques, politiques, culturels et spirituels – pour réussir à surmonter les obstacles.
Deux projets seront réalisés sous ce thème, l’un au Rwanda et l’autre dans les Andes péruviennes, pour étudier la dynamique des entreprises en milieu communautaire dans des conditions extrêmes de déplacement de populations, de pauvreté et de reconstruction d’après-guerre. Ils serviront aussi à explorer certains aspects peu connus des entreprises en milieu communautaire, comme le rôle des femmes et des jeunes, les outils d’évaluation et les répercussions des politiques gouvernementales sur ces entreprises.
L’entrepreneuriat autochtone
Nouveau champ d’études et de recherche, l’entrepreneuriat autochtone se distingue en plaçant au premier plan les valeurs culturelles comme le savoir traditionnel, le développement communautaire et les relations sociales, au-dessus des priorités habituelles des entreprises. Dans de nombreux groupes, les entreprises autochtones poursuivent plusieurs objectifs autres que les profits, notamment l’édification des nations, la revitalisation culturelle et la réconciliation.
Selon la professeure Peredo, une nouvelle génération d’universitaires autochtones cherche à acquérir des connaissances sur le sujet dans les écoles de gestion. Les études prévues sous ce thème visent à répondre à des questions posées pour comprendre l’entrepreneuriat autochtone dans le contexte qui lui est propre. Comment les valeurs culturelles comme la réciprocité, les relations familiales et les liens étroits avec la terre façonnent-elles les entreprises autochtones? Quel est l’apport de ces dernières au mieux-être de la communauté, à la décolonisation et à la réconciliation? Les connaissances ainsi acquises seront essentielles à la réconciliation économique avec les peuples autochtones et aideront à élargir la définition de l’entrepreneuriat pour qu’y soient inclus des modèles d’entreprises dirigées par les gens, par les communautés, et par les Autochtones.
Le changement sociétal
Ce troisième thème se retrouve tissé dans les deux autres. Grâce à son travail auprès d’organisations citoyennes et d’entreprises autochtones et en milieu communautaire, la professeure Peredo connaît bien les défis structurels auxquels sont confrontées ces types d’entreprises. Les crises provoquées par les changements climatiques et la pandémie de la COVID-19 ont mis en relief les inégalités sociales, inspirant des spécialistes en gestion à étudier les mécanismes par lesquels les gens se mobilisent pour organiser le changement.
La professeure Peredo se penche sur ces questions notamment par l’intermédiaire de l’European Group for Organizational Studies (EGOS), qui invite des universitaires à soumettre des articles sur les moyens de concevoir des changements systémiques à grande échelle, à tous les niveaux et dans différents contextes. « Quand on travaille avec des groupes communautaires ou citoyens, on constate qu’il y a un plafond systémique sur le plan pédagogique, organisationnel, politique et du soutien, explique la chercheuse. Nous devons jeter un regard critique sur les structures et modèles d’affaires actuels, pour conceptualiser une autre économie. »
Une chercheuse très sollicitée
La professeure Peredo est souvent sollicitée pour son expertise fondée sur ses connaissances en anthropologie, en psychologie et en journalisme; on l’invite fréquemment à participer à des tables rondes et à donner des conférences. « Les gens, en particulier les jeunes chercheuses et chercheurs universitaires, me demandent ce qu’est l’engagement communautaire, comment le stimuler, et quelle est l’importance de la justice sociale », dit-elle, expliquant qu’on tend de plus en plus à prioriser l’esprit communautaire et à reconnaître son importance pour notre mieux-être. « Les écoles de gestion, et particulièrement Telfer, ont amorcé un virage : elles s’intéressent désormais à la question de la justice sociale dans le milieu des affaires. »
Les résultats de ses recherches seront accessibles au grand public. En plus de publier des articles dans des revues prestigieuses et de donner des conférences, la professeure Peredo compte écrire un roman graphique en plusieurs langues sur les entreprises et la décolonisation, préparer un dossier et une infographie à l’intention des responsables politiques, et contribuer à la formation de la relève en recherche.
Et, comme elle l’a fait tout au long de sa carrière, elle continuera de faire sortir de l’ombre les invisibles et d’amplifier les voix qu’on n’entend pas. Le travail qu’elle mène en tant que titulaire d’une CRC servira de tremplin à l’avancement de la recherche en gestion vers une société plus inclusive, plus diversifiée et plus juste. Ses recherches permettront aux universitaires de mieux comprendre l’entrepreneuriat autochtone et en milieu communautaire.