L’honnêteté pour contrer l’anxiété en entrevue
En entrevue d’embauche, on cherche à se présenter sous son meilleur jour. Certaines personnes mettent l’accent sur leurs qualifications. D’autres, cependant, ont tendance à exagérer la portée de leurs réalisations et à s’inventer de l’expérience afin d’asseoir leur candidature. Elles usent alors de tactiques de gestion des impressions comme la duperie ou le mensonge en entrevue.
Une étude réalisée par Deborah M. Powell (Université de Guelph), Joshua S. Bourdage (Université de Calgary) et Silvia Bonaccio (Université d’Ottawa) donne de nouvelles perspectives sur le mensonge en entrevue et ce qui le motive. La communauté de recherche s’intéresse ainsi pour la première fois au lien entre la duperie et l’anxiété en contexte d’entrevue. L’étude suggère que l’anxiété rendrait les personnes présentant deux traits de personnalité particuliers plus susceptibles de déformer la vérité pour se démarquer.
Enjeux élevés et anxiété sociale
Chez beaucoup de gens, l’entrevue d’embauche peut déclencher l’« anxiété d’entrevue », un type d’anxiété sociale. Ainsi donc, l’entrevue peut être source de malaise, notamment chez les personnes qui craignent d’être perçues négativement.
« L’entrevue a tout pour rendre l’interaction sociale menaçante, notamment parce qu’on y scrute à la loupe la personne qui en fait l’objet », explique Silvia Bonaccio, boursière professorale Ian-Telfer en psychologie du travail et des organisations à l’École de gestion Telfer.
Voilà ce qui pousse certaines personnes à mentir ou à inventer des choses pour réussir une entrevue. En effet, l’équipe a établi une corrélation entre l’anxiété et le recours à des tactiques de gestion des impressions.
En temps d’incertitude économique, il peut être particulièrement utile de savoir comment aider les candidates et candidats à gérer leur anxiété pour limiter la duperie et l’invention en entrevue. Selon les données de l’Enquête sur la population active, on dénombrait en avril dernier 1,6 million de Canadiens et Canadiennes sans emploi (ce qui représentait un taux de chômage de 8,1 %). Or, l’incertitude économique fait augmenter la pression en entrevue. « Les enjeux plus élevés peuvent exacerber l’anxiété », soutient Deborah M. Powell.
Deux traits de personnalité déterminants
Pour cerner les personnes plus enclines à utiliser des tactiques de gestion des impressions en entrevue en raison de l’anxiété, l’équipe de recherche s’est intéressée à deux traits de caractère, car, en pareil contexte, la personnalité influence l’image que certaines et certains souhaitent projeter. Dans cet esprit, l’équipe a établi un lien probable entre l’anxiété en entrevue et les deux attributs que sont l’honnêteté-humilité et l’extraversion.
Honnêteté-humilité
L’honnêteté-humilité renvoie à l’importance accordée à ses propres intérêts par rapport à ceux d’autrui.
Les candidates et candidats chez qui ce trait ressort ont la plus grande propension à la sincérité. Ces personnes ne seront pas portées à la manipulation pour obtenir un résultat escompté (p. ex., un emploi). Elles ne ressentent donc pas le besoin d’impressionner en entrevue. Elles pensent également que la malhonnêteté peut avoir un impact négatif sur leur évaluation.
« Les personnes plus portées vers l’honnêteté-humilité sont moins anxieuses en entrevue et donc moins susceptibles de recourir à la duperie », explique Joshua S. Bourdage.
En revanche, les personnes chez qui ce trait ressort moins craindront davantage une évaluation négative et ses répercussions sur leur estime d’elles-mêmes. Elles sont également motivées par la recherche de gratifications sociales et matérielles, ce qui augmente les enjeux de l’entrevue à leurs yeux.
« Les candidates et candidats à l’honnêteté-humilité plus faible pourront se sentir particulièrement anxieux en entrevue et alors inventer des choses », précise Powell.
Extraversion
Le terme « extraversion » englobe la volubilité, l’assurance et la confiance d’une personne dans des situations sociales comme une entrevue d’embauche.
Les candidates et candidats très extravertis sont plus à l’aise dans les interactions en entrevue. Ces personnes accordent également de l’importance au statut social. Elles peuvent chercher à impressionner, sans toutefois se préoccuper de l’impression qu’elles donnent. « Les candidates et candidats les plus extravertis avaient tendance à ressentir moins d’anxiété en entrevue », précise Bourdage.
Inversement, les personnes plus introverties peuvent ressentir une anxiété exacerbée en entrevue ou dans d’autres situations. Comme l’indique Bourdage, elles peuvent « tenter de compenser de tels sentiments par le mensonge ».
Le mensonge, un mécanisme d’autodéfense en entrevue
Bonaccio explique que « les personnes qui redoutent leur évaluation peuvent être portées à mentir » et que « l’invention semble être un mécanisme d’autodéfense plutôt qu’un penchant naturel ».
Laisser tomber la duperie
L’étude peut grandement inspirer les conseillers et conseillères en orientation qui travaillent à atténuer l’anxiété préalable à l’entrevue, et, le cas échéant, à donner de véritables moyens aux candidates et candidats d’impressionner.
« La duperie n’est pas conseillée en entrevue », soutient Bonaccio. « En fait, on peut briller (en toute honnêteté) de bien des façons. »
Du point de vue de Powell, « pour réduire son anxiété en entrevue, on peut se forger une image positive de soi-même dans un contexte social. » Elle ajoute qu’une image positive de soi « peut atténuer les sentiments d’anxiété ».
La préparation constitue un autre moyen éprouvé de réduire l’anxiété liée aux entrevues. Le Centre des carrières de l’École de gestion Telfer propose des ressources et ateliers sur les entrevues d’embauche à la communauté étudiante, ainsi qu’aux diplômées et diplômés.
Découvrez les suggestions de deux personnes diplômées de l’École de gestion Telfer pour surmonter l’anxiété en entrevue et faire bonne impression en toute authenticité.
Lire l’étude (en anglais)
Powell, D. M., Bourdage, J. S. et Bonaccio, S. 2020. Shake and Fake: The Role of Interview Anxiety in Deceptive Impression Management. Journal of Business and Psychology.
Silvia Bonaccio est professeure titulaire et professeure Ian-Telfer en psychologie du travail et des organisations à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa. Elle s’intéresse aux facteurs qui facilitent des expériences de travail positives pour les employés et employées vivant avec des handicaps, de même qu’à l’influence de l’anxiété et des émotions dans le processus d’évaluation et de sélection du personnel. Renseignez-vous sur les travaux de Silvia Bonaccio.
Deborah M. Powell est professeure agrégée à l’Université de Guelph. Ses recherches portent sur la sélection du personnel selon la perspective des entrevues d’embauche et d’autres pratiques de sélection, comme les tests de personnalité. Renseignez-vous sur les travaux de Deborah M. Powell.
Joshua S. Bourdage est professeur agrégé à l’Université de Calgary. Ses travaux visent la sélection du personnel, la technologie appliquée au recrutement, la conduite stratégique des relations et la personnalité. Renseignez-vous sur les travaux de Joshua S. Bourdage.