Rachat d’actions : dans l’intérêt de la main-d’œuvre ou au détriment de celle-ci?
On parle de rachat d’actions lorsqu’une entreprise décide de racheter des actions qu’elle a vendues sur le marché boursier auprès du grand public. Si ces opérations financières sont autorisées dans bon nombre de pays et sont parfois justifiées, elles connaissent actuellement un tel essor que l’on reproche aux sociétés de dilapider leur argent au lieu d’en faire un usage productif. En effet, selon Lazonick, Sakinc et Hopkins (2020), non seulement les rachats d’actions ne contribuent pas à la capacité de production des entreprises, mais cette façon de remettre des fonds aux actionnaires perturbe également la dynamique de croissance selon laquelle la rémunération de la main-d’œuvre est liée à la productivité. Même que ces opérations pourraient contribuer à l’inégalité des revenus et à l’instabilité d’emploi.
En quoi consiste le projet de recherche?
Le Conseil de recherches en sciences humaines vient d’octroyer à Ali Akyol, professeur à Telfer, une subvention Savoir pour étudier l’utilisation stratégique des rachats d’actions. Dans le cadre de son projet de recherche, ce dernier entend jeter une nouvelle lumière sur la nature dynamique de ces opérations afin de déterminer dans quelles circonstances et de quelle manière les entreprises s’en servent en cas de revendications ouvrières.
L’instabilité d’emploi représente un problème de taille pour les travailleuses et travailleurs. D’après des études menées sur les coûts humains du chômage, outre une perte de revenu, celui-ci occasionne du stress, de l’anxiété, des problèmes de santé et de la malnutrition. Cela dit, en adoptant des politiques financières prudentes, les entreprises peuvent réduire le risque de licenciement et les coûts humains du chômage. Or, le rachat d’actions modifie leur pouvoir d’action et leur structure financière, ce qui complique la mise en œuvre de telles politiques. Au vu des critiques que suscitent maintenant cette pratique et ses répercussions sur la main-d’œuvre, le projet du professeur Akyol permet de constater qu’en dépit de l’abondance d’articles sur ce genre d’opérations, on connaît en réalité bien mal l’incidence des revendications ouvrières sur la décision des entreprises de racheter leurs actions, et la mesure dans laquelle celles-ci s’en servent dans l’intérêt de leurs effectifs, ou à leur détriment.
En quoi ce projet de recherche contribue-t-il à l’utilisation stratégique du rachat d’actions?
Le professeur Akyol a remarqué qu’il existe très peu d’études sur le lien entre le rachat d’actions et les revendications ouvrières. Selon les travaux réalisés jusqu’à maintenant (d’après une estimation du volume annuel de rachats effectuée à l’aide de la base de données Compustat), les entreprises réduisent ou, au contraire, intensifient ces opérations en réaction à certaines formes de revendication ouvrière. Au lieu d’utiliser les données de Compustat pour établir des estimations, le professeur Akyol et son équipe utiliseront plutôt des données provenant directement des déclarations des entreprises afin de créer un nouvel ensemble de données représentatif du volume mensuel réel des activités de rachat.
À qui profitera cette étude?
Ce projet de recherche produira des résultats empiriques et appuiera les théories entourant le processus décisionnel des entreprises et le recours au rachat d’actions dans leurs rapports avec la main-d’œuvre. La pandémie a mis en évidence les difficultés auxquelles les travailleuses et travailleurs sont confrontés ainsi que la manière dont la main-d’œuvre et les entreprises sont interconnectées. Le projet du professeur Akyol s’ajoutera à la liste d’études portant sur les questions de politiques ayant de profondes répercussions sociales. Enfin, ce projet apportera des pistes de réflexion aux entreprises et à la classe dirigeante. Ses résultats pourraient notamment aider à concevoir des politiques qui obligeraient les entreprises à tenir compte du bien-être du personnel avant de prendre ce genre de décision.