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Les employeurs se privent de talents en négligeant les travailleurs vivant avec un handicap

A group of people sitting in chairs looking out a window

Les avantages économiques de la diversité sur le lieu de travail n'ont pas encore permis d'augmenter les opportunités pour les 20 % de Canadiens en âge de travailler qui vivent avec un handicap. (Shutterstock)

Rédigé par , professeure Ian Telfer en psychologie du travail et des organisations, Université d'Ottawa. Cet article a d’abord été publié dans La Conversation, un média en ligne d'information et d'analyse de l'actualité indépendant, qui publie des articles grand public écrits par les chercheurs et les universitaires, le 25 juillet 2019.

Selon un sondage mené par le Conference Board du Canada auprès d’organisations canadiennes, les entreprises voient de plus en plus la diversité en milieu de travail comme un élément positif de leurs opérations.  

Selon le même rapport, bien que l'on reconnaisse que la diversité est un moteur d'innovation et donne aux entreprises un avantage sur leurs concurrents, les personnes vivant avec un handicap sont le groupe d'équité en matière d'emploi le plus sous-représenté dans les milieux de travail canadiens. 

Les avantages économiques de la diversité en milieu de travail n’ont manifestement pas augmenté les possibilités pour les 20 % de Canadiens en âge de travailler qui vivent avec une invalidité. Selon Statistique Canada, les personnes touchées par un handicap ont de la difficulté à trouver du travail et à accéder à des possibilités d’avancement professionnel.  

Les chercheurs savent qu’une des principales raisons du faible taux de participation au marché du travail des personnes en situation de handicap est que les employeurs ont souvent des préoccupations prohibitives et des idées négatives quant à l'embauche de personnes handicapées — comme l’idée que cela coûtera cher ou que les candidats en question ne sont pas qualifiés.  

Les recherches que j’ai menées dans le cadre du projet canadien sur la participation sociale des personnes en situation de handicap réfutent de telles idées. Grâce à l’aide de Catherine E. Connelly (Université McMaster), Ian R. Gellatly (Université de l’Alberta), Arif Jetha (Institute for Work and Health) et Kathleen A. Martin Ginis (Université de la Colombie-Britannique), j’ai constaté que bon nombre des préoccupations les plus courantes des employeurs au sujet de l’embauche de personnes ayant un handicap ne sont pas fondées. 

Accommodements peu coûteux 

Les employeurs croient souvent que les aménagements sont nécessairement coûteuses. En réalité, les mesures d’accommodements coûtent beaucoup moins cher que ce à quoi s’attendent les gestionnaires. 

Par exemple, le Job Accommodation Network a fait le suivi des coûts d’adaptation recommandés aux organisations clientes, au cours des 15 dernières années. Ils ont constaté que la majorité des accommodements sont gratuits, ou alors que le coût ponctuel typique est inférieur à 500 $.  

Bien que ces chiffres proviennent des États-Unis, ils sont également pertinents dans le contexte canadien. Les mesures d’adaptation les plus souvent demandées par les travailleurs canadiens sont les heures modifiéesLa flexibilité de la planification des horaires et la façon dont les employés font leur travail permettent de leur donner l’autonomie nécessaire pour s’épanouir dans leur travail. De telles mesures n’exigent pas de dépenses supplémentaires.  

Les régimes de travail flexibles sont utilisés depuis longtemps pour aider les employés à concilier leurs besoins professionnels et personnels. Par exemple, les gens qui s’entraînent pour des sports de compétition ou les parents de jeunes enfants utilisent souvent des horaires de travail flexibles. Le coût de la mise en œuvre du travail flexible ne change pas selon la personne qui en fait la demande. 

En effet, la recherche révèle que peu importe si les accommodements aident les employés vivant avec un handicap ou pas, leurs coûts et avantages déclarés sont semblables. Les employeurs doivent prendre note qu’ils offrent des mesures d’adaptation au travail à divers employés. Ce changement de mentalité contribuerait grandement à éliminer la stigmatisation entourant les accommodements. 

Un groupe d'employé travaille autour d'une longue table

Les régimes de travail flexibles sont utilisés depuis longtemps pour aider les employés à concilier travail et besoins personnels - pour tout le monde, des parents aux athlètes de haut niveau. (Shutterstock)

Employés talentueux  

Les employeurs supposent souvent que les candidats vivant avec un handicap ne sont pas qualifiés. Ce préjugé vient en partie du mot « handicap », qui, selon beaucoup, souligne le manque de faculté.  

Dans un contexte de milieu de travail, tous les employés sont embauchés en fonction de leurs compétences et de leurs capacités à accomplir les tâches requises par le poste. Les données recueillies par Statistique Canada indiquent que les employeurs peuvent avoir confiance dans les capacités et la formation de ces demandeurs d’emploi. Pourtant, on estime que près de 645 000 Canadiens en vivant avec un handicap sont actuellement au chômage malgré leur capacité à  travailler.  

Les employeurs craignent également que les employés qui vivent avec une invalidité ne soient pas très performants. En raison de cette préoccupation, les employeurs passent à côté d’employés talentueux.  

Par exemple, une étude a examiné la productivité des travailleurs dans les centres de distribution. Certains de ces travailleurs étaient handicapés, d’autres non. Dans la plupart des centres, les employés affichaient des niveaux de productivité semblables et, lorsqu’il y avait des différences, les employés handicapés étaient souvent plus productifs.  

De nombreux employés réussissent également dans certains emplois où les fonctions dépassent ce à quoi l’on peut normalement s’attendre d’une personne ayant une déficience particulière. Par exemple, une étude montre que les personnes ayant une lésion de la moelle épinière accomplissaient des tâches exigeant des efforts physiques considérables

Handicaps invisibles  

Certaines inquiétudes que les employeurs ont persistent en partie parce qu’ils ne savent pas combien de leurs employés actuels vivent avec une invalidité.  

Les handicaps tels que l’arthrite ou les maladies mentales sont invisibles. Par conséquent, les employeurs ne savent peut-être pas que certains de leurs meilleurs employés sont en situation de handicap.  

La divulgation d’une déficience au travail est une décision personnelle, et de nombreux employés préfèrent ne pas en faire part, à moins d’avoir besoin de mesures d’accommodement. Parfois, lorsque le climat de travail est peu favorable, les employés peuvent même éviter de demander ces mesures. 

Talents inexploités  

Alors que le bassin de travailleurs canadiens continue de rétrécir en raison du vieillissement de la main-d’œuvre, les milieux de travail devront chercher des travailleurs qualifiés. Les personnes en situation de handicap représentent une importante source de talents sous-utilisés.  

Les employeurs peuvent assurer la pleine participation des personnes vivant avec un handicap en établissant des partenariats avec des groupes qui favorisent l’emploi inclusif. Cette stratégie s’est révélée efficace, surtout auprès des personnes qui arrivent sur le marché du travail.  

Les organisations qui cherchent à obtenir un avantage concurrentiel dans leur secteur d'activité devraient envisager d’impliquer les personnes ayant des déficiences. Les entreprises ou les lieux de travail qui embauchent de façon inclusive sont plus rentables. Au final, l'embauche de personnes en situation de handicap est bonne pour les affaires.