L’effet néfaste de la pandémie de COVID-19 sur les marchés financiers et l’économie
Les marchés financiers ressentent fortement les effets des crises mondiales, et ce n’est pas nouveau. Les catastrophes climatiques, les pandémies, les troubles politiques et les conflits militaires peuvent compromettre notre sécurité, notre santé, les infrastructures et les relations internationales. Ces changements radicaux nuisent également aux entreprises et à l’économie mondiale. Ils causent une incertitude considérable, ce qui représente une menace importante pour les investissements dans les marchés financiers.
La pandémie de COVID-19, malheureusement, correspond à cette image, nuisant à l’économie des pays et menaçant l’ensemble des marchés boursiers. Au Canada et aux États-Unis, les marchés boursiers ont rapidement perdu plus de 30 %, effaçant la plupart des gains réalisés au cours des dernières années. Comme la progression de l’éclosion de COVID-19 dans ces deux pays n’a pas encore atteint son plus haut niveau, on ne sait pas bien ce qui risque de se produire au cours des prochaines semaines. Cinq chercheurs en finance de l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa révèlent les raisons pour lesquelles la pandémie de COVID-19 a entraîné les marchés financiers dans un tourbillon, le caractère unique de cette crise et la façon dont les dirigeants d’entreprise et les représentants de gouvernement peuvent soutenir l’économie en cette période particulièrement intense.
Pourquoi une pandémie nuit aux marchés
« Les menaces liées au nouveau coronavirus ont gravement nui aux activités essentielles des entreprises dans le monde, à leur accès aux marchés ainsi qu’à leur chaîne d’approvisionnement, ce qui a entraîné une forte baisse des cours boursiers. De plus, les investisseurs, les analystes financiers et les banques d’investissement sont devenus trop nerveux en raison de l’avenir incertain du secteur des affaires. Cette peur de l’inconnu a ouvert la porte à une augmentation de la volatilité des marchés boursiers. Elle explique peut-être pourquoi de nombreux dirigeants du monde essaient de rassurer les investisseurs et d’autres participants aux marchés. Cependant, les mauvaises nouvelles concernant la COVID-19 semblent écraser le fragile espoir pour l’instant. »
Shantanu Dutta
Ce que cette crise financière a d’unique
« Deux particularités de ce bouleversement des marchés le distinguent des précédents. La première est la vitesse à laquelle les cours boursiers ont baissé. Du 20 février au 23 mars, l’indice composé S&P/TSX est passé de 17 944 à 11 228 points — une baisse de 37 % qui efface tous les gains réalisés depuis octobre 2011. La seconde particularité est que la forte baisse du prix des actifs a nui non seulement aux actions, mais aussi aux actifs d’autres catégories comme les produits de base. Même l’or (compte tenu d’un investissement dans SPDR Gold Shares), qui est généralement considéré comme un actif sûr, a enregistré une baisse de 4 % au cours de la même période. En revanche, au cours du krach boursier de 2007-2008, l’or avait offert un refuge, procurant un rendement positif aux investisseurs. En conséquence, la diversification des catégories d’actifs ne semble pas aussi efficace que ce que bon nombre croiraient au regard de l’incertitude et du bouleversement actuels des marchés. Dans le cadre de mes travaux, j’aimerais pouvoir mieux analyser les raisons sous-jacentes à ces phénomènes. »
Fabio Moneta
Pourquoi la transparence des entreprises au sujet de l’évolution de la crise est si importante
« En ces temps incertains, les mises à jour des représentants de gouvernement sont susceptibles de calmer l’anxiété que pourrait susciter l’avenir. Dans le sillage de la pandémie de COVID-19, la divulgation de renseignements par les entreprises est tout aussi importante. Leurs dirigeants peuvent, à l’intention de leurs actionnaires et de leurs investisseurs, faire le point régulièrement sur la façon dont la pandémie nuit à leurs activités. Il est également recommandé aux entreprises de concevoir une stratégie de divulgation efficace. Elles pourraient commencer par faire preuve de transparence au sujet des défis auxquels elles sont confrontées à court terme. Par exemple, de nombreuses entreprises sont actuellement confrontées à une perturbation de leurs activités en raison de la distanciation physique, de la restriction de voyage ou de problèmes liés à la rupture de leur chaîne d’approvisionnement. Elles devraient communiquer de façon transparente ce qu’elles savent et ce qu’elles ne savent pas, indiquant comment la pandémie leur nuit et comment elles abordent ces problèmes. Les entreprises devraient également considérer la possibilité de publier des communiqués de presse plus régulièrement sinon de recourir à d’autres outils de communication, comme les médias sociaux. Ces efforts de communication pourraient aider les investisseurs, les analystes et d’autres acteurs clés du marché à mieux comprendre toute la mesure des effets de la pandémie sur les activités des entreprises, dissipant ainsi les préoccupations et les doutes que les investisseurs peuvent avoir au sujet de la viabilité et des perspectives de leurs placements. »
Ali Akyol
En quoi consiste le rôle du gouvernement
« La nature de cet événement permet de mieux comprendre pourquoi le gouvernement doit intervenir pour renflouer quiconque éprouve des difficultés financières. Ce ne fut pas le cas en 2008, lorsque beaucoup de gens avaient dû vendre des actifs à perte parce qu’ils avaient pris de mauvaises décisions de placement. Dans la conjoncture, les gouvernements ont de meilleures raisons pour s’immiscer dans les marchés. Le défi unique auquel les représentants de gouvernement sont confrontés aujourd’hui consiste à déterminer comment soupeser la vie des gens et la récession qui sera entraînée par la distanciation physique et le confinement. En l’absence de données robustes sur le taux de mortalité et le comportement du virus, la plupart des dirigeants du monde doivent prendre des dispositions en s’appuyant sur le pire des scénarios et son incidence sur la société. Cette situation explique la pression croissante qui s’exerce sur les représentants de gouvernement pour qu’ils mettent en application le protocole de confinement à l’échelle nationale. Lorsque la propagation sera maîtrisée et que nous disposerons d’estimations plus satisfaisantes, la prochaine étape des gouvernements consistera à s’assurer que leurs règlements s’appuient sur de nouvelles données. »
Jonathan Yumeng Li
Comment le gouvernement peut soutenir les petites et moyennes entreprises
« Actuellement, notre économie subit un dur choc et, bien sûr, les petites entreprises ne peuvent pas s’y soustraire. Nous avons déjà vu une augmentation importante de la demande de crédit. Les entreprises qui étaient viables jusqu’à tout récemment cherchent un financement pour survivre à la crise actuelle. Plus que jamais, les programmes de financement public qui facilitent l’accès au crédit sont indispensables, en particulier pour les jeunes entreprises qui connaissaient une croissance vigoureuse avant la crise. Ces interventions peuvent aider ces entreprises à retrouver le chemin de la croissance et à recouvrer leur rentabilité une fois que le monde se sera rétabli. »
Miwako Nitani
Ali Akyol est professeur agrégé en finance. Ses recherches portent principalement sur les effets des réglementations liées à la gouvernance, au conseil d’administration, à la divulgation d’informations sur les sociétés et à l’inconduite financière sur la valeur pour les actionnaires.
Shantanu Dutta est professeur agrégé et boursier Telfer en finance internationale. Sa recherche porte sur les fusions et les acquisitions, la couverture médiatique et les décisions financières, la gouvernance d'entreprise, l’efficacité des marchés, la politique en matière de dividendes et la gestion de la technologie.
Jonathan Yumeng Li est professeur agrégé en analytique d’affaires. Ses recherches portent sur l’analytique, l’ingénierie financière en plus de la recherche opérationnelle. Au cœur de ses recherches, nous retrouvons les problèmes de gestion des risques comprenant la quantification et la modélisation du risque.
Fabio Moneta est professeur adjoint et boursier en finance de la Banque Royale du Canada. Ses recherches portent principalement sur les investissements, les investisseurs institutionnels, le comportement commercial, le rendement des fonds communs de placement et l’évaluation empirique des actifs.
Miwako Nitani est professeure agrégée en finance. Ses recherches se concentrent sur les rôles des banques, les politiques publiques, la finance d’entreprise et la finance comportementale.