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Une planification intelligente de la relève pour assurer l’avenir de l’entreprise familiale

Trois personnes penchées sur un design

Les entreprises familiales sont confrontées à de nombreux défis communs, qu'il s'agisse de déterminer le capital et les ressources nécessaires pour développer l'entreprise ou de savoir quand et comment séparer les affaires professionnelles des affaires personnelles.

Telfer est fière commanditaire d'une série de quatre événements en ligne intitulée Vers la prospérité – en route pour un meilleur Canada. Ce reportage a été produit par le Globe Content Studio en collaboration avec l'École de gestion Telfer et a été publié par le Globe and Mail le 14 avril 2022, en lien avec le premier événement de la série - Future of the Family Enterprise - qui avait lieu le 4 avril 2022. Lisez l'article original en anglais.


Les entreprises familiales sont un pilier de notre économie, mais il est parfois difficile d’assurer leur prospérité d’une génération à l’autre. D’après une étude récemment publiée par PwC Canada, 78 % d’entre elles voient en l’entreprise leur plus important actif familial. Or, seulement 34 % disposent d’un plan de relève solide, étoffé et adéquatement communiqué.

« La passation des entreprises est un sujet épineux », selon Peter Jaskiewicz, directeur de l’Institut de l’héritage des entreprises familiales et titulaire de la Chaire de recherche en entrepreneuriat durable à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa. L’Institut prône une vision globale de la gestion des entreprises familiales et des pratiques exemplaires en la matière.

Peter JaskiewiczSelon le professeur Jaskiewicz, la gestion de la succession est une question clé non seulement pour les entreprises familiales, mais aussi pour l’économie canadienne.

Les entreprises familiales sont à l’origine de 63 % des emplois dans le secteur privé. Selon une étude de 2019, elles fournissent près de 7 millions d’emplois (46,9 %) et génèrent 48,9 % du produit intérieur brut annuel du secteur privé, soit environ 575 milliards de dollars.

Or, la passation de l’entreprise à la génération suivante peut soulever divers problèmes. « Tout le monde parle de la série télévisée Succession, mais ce n’est pas toujours aussi dramatique, tempère le professeur Jaskiewicz. Les gens pensent que les entreprises familiales se ressemblent toutes, mais tout comme les familles, chacune a ses particularités. »

Le professeur Jaskiewicz a étudié des entreprises familiales séculaires du Vieux Continent, dont l’histoire a de quoi inspirer les familles entrepreneuses modernes. Son équipe de recherche a observé 21 familles allemandes qui exploitent un établissement vinicole depuis en moyenne 11 générations.

« Nous avons mené plus de 80 entrevues en sept ans afin de comprendre comment ces familles parviennent à former une relève compétente, motivée et douée d’un bon esprit d’entreprise », résume-t-il.

Savoir quand parler affaires

Patricia Saputo, cofondatrice de Crysalia, le bureau de la direction de l’apprentissage et du développement pour les grandes familles en affaires, affirme que la plus grande difficulté consiste à dissocier l’entreprise de la vie personnelle.

Patricia Saputo« Il faut toujours faire la distinction entre les différentes casquettes qu’on porte », illustre cette membre de la famille fondatrice de Saputo inc. à Montréal, l’un des plus grands fabricants de produits laitiers au monde, qui emploie plus de 17 000 personnes et compte 65 usines au Canada et à l’étranger. Les Saputo ont su éviter les pièges les plus courants et faire croître leur entreprise sans basculer dans le drame.

Les familles qui réussissent semblent gérer leur entreprise et préparer la relève dans le cercle privé. C’est le cas de la famille Mannix, à Calgary, qui a survécu un parcours aux dents de scie dans le secteur de l’énergie, en protégeant la vie privée de ses membres tout en s’autorisant quelques apparitions à des événements ou à des activités de bienfaisance au profit du bien public.

Patricia Saputo met en garde contre la tendance à mêler famille et affaires dans toutes les situations. Il faut se comporter comme un membre de la famille dans les réunions familiales, un membre du conseil d’administration dans les réunions du conseil, et un membre de l’équipe de direction dans les réunions du comité de direction.

« Ça pourrait froisser certains membres de la famille que l’un d’entre eux aille souper chez les parents et ne parle que de l’entreprise, explique-t-elle. C’est l’endroit pour tenir des conversations familiales, pas des conversations d’affaires. »

« À l’inverse, lors d’une réunion du conseil, les administratrices et administrateurs sont là pour discuter des affaires de l’entreprise, poursuit-elle. Les membres de la famille qui y siègent doivent peser soigneusement leurs mots, savoir quoi dire à qui et dans quelles circonstances. »

Il ne faut pas oublier que les familles s’agrandissent, que de nouvelles personnes pourraient prétendre à un poste dans l’entreprise lorsqu’elles atteignent l’âge adulte, et qu’elles auront aussi des enfants. Comme le rappelle Patricia Saputo, cette réalité peut limiter les possibilités d’avancement pour certains membres de la famille.

« Les entreprises familiales sont obligées d’élaguer de temps à autre, et c’est une tâche très difficile », dit-elle. Cependant, il est important de prendre en considération les membres de la famille élargie, qui peuvent apporter un vent de fraîcheur dans des domaines comme la technologie et le changement social.
Consulter des professionnels qui ne sont pas membres de la famille peut aider à prendre des décisions difficiles quant aux promotions et la rémunération, ajoute Saputo.

Visionnez l'enregistrement du webinaire en anglais : Future of the Family Enterprise - Equipping Canada's next generation of business leaders

La répartition des pouvoirs, clé d’une transition réussie

Coauteur d’Enabling Next Generation Legacies, un nouvel ouvrage sur la transition des entreprises familiales qu’il signe avec Sabine Rau (experte en la matière et professeure invitée à l’École Telfer), Peter Jaskiewicz a regroupé les familles vinicoles d’Europe en quatre grandes catégories, respectivement baptisées James Bond, Eternus, United et Steward.

Couverture du livre Enabling Next Generation LegaciesLes familles « James Bond » sont dirigées de façon opaque par une personne – bien souvent un homme, souligne le professeur Jaskiewicz – qui ne laisse rien transpirer des affaires à sa famille.
« La relève n’a alors ni la motivation ni la préparation nécessaire pour assumer des postes de leadership le moment venu », fait-il remarquer.

Les familles « Eternus » sont elles aussi des autocraties, mais une fois à la maison, leurs chefs parlent de l’entreprise à leurs proches. Ces PDG ont toutefois du mal à passer le flambeau et à désigner leur succession. L’entreprise leur file parfois entre les doigts, puisque les personnes prêtes à relever le défi seront allées voir ailleurs.

« J’ai eu vent d’une famille où le père ne se décidait jamais à céder sa place à sa fille, se rappelle Patricia Saputo. Le jour où il s’est enfin dit prêt, sa fille avait 65 ans. Ayant elle-même atteint l’âge de la retraite, elle a refusé. »

Il arrive que les rênes passent alors à la génération suivante, mais ce n’est pas toujours le cas. Beaucoup auront choisi de se bâtir une carrière bien à eux, en marge de l’entreprise familiale, poursuit-elle.

Dans les familles « United », les PDG consultent la famille, sans lui imposer ses décisions. Le professeur Jaskiewicz constate que certains talents quittent malgré tout ce type d’entreprise en voyant des rôles clés être attribués à d’autres, emportant avec eux leur énergie, leur potentiel, leur savoir, leurs réseaux et l’expertise acquise à force de baigner dans l’entreprise familiale.

« Grâce aux conseils d’une personne de confiance, on pourrait prévenir – ou du moins gérer – ce type de fractures », signale-t-il.

Enfin, la catégorie « Steward » regroupe les entreprises familiales où les membres sont proches les uns des autres, non seulement au sein de l’entreprise, mais aussi dans leur vie personnelle.

« La succession s’y fait avec un minimum de friction; en règle générale, on y trouve aussi une relève qui se démarque par sa compétence, sa motivation et son esprit entrepreneurial, enchaîne Peter Jaskiewicz.
Ces familles tissées serrées, ajoute-t-il, s’en remettent souvent à une expertise externe, un point que souligne d’ailleurs également Patricia Saputo. Bon nombre d’entre elles font depuis longtemps affaire avec des conseillères et conseillers qui organisent des retraites pour le noyau de la famille et les personnes qui gravitent autour d’elle, qu’il s’agisse de cousins et cousines ou de nouveaux partenaires.

« Sinon, certaines personnes pourraient être laissées pour compte, que ce soit en raison de leur genre ou de l’ordre de succession. Elles ont besoin d’être épaulées et de pouvoir contribuer au projet familial », précise le professeur Jaskiewicz, ajoutant qu’une aide extérieure peut améliorer les communications et arbitrer les conflits entre proches.

Même dans les familles les plus chaleureuses et informelles, la succession, ça se prévoit, soutient Patricia Saputo. « Parce que comme le veut le dicton, celui qui échoue à planifier planifie son échec. »

Découvrez l'Institut de l'héritage des entreprises familiales de Telfer