Tanya Gracie, une pionnière de la gouvernance au féminin
Tanya Gracie est une véritable force motrice en matière de gouvernance d’entreprise. Directrice de la stratégie à Central1, un établissement financier au service des coopératives de crédit au Canada, elle exerce des fonctions étroitement liées à la gouvernance, son champ d’expertise. Elle a travaillé pendant six ans à l’Association des coopératives du Canada, près de trois ans au poste de responsable des politiques au Forum des politiques publiques du Canada, et elle a fait un bref passage à l’Agence de la santé publique du Canada comme analyste des risques.
En dehors de son emploi à temps plein, elle siège à plusieurs conseils d’administration, soit ceux de la Commission de la capitale nationale (CCN), du Bureau des services à la jeunesse d’Ottawa (à titre de nouvelle présidente) et du Directors’ Forum. Auparavant, elle a servi au conseil d’administration de Your Credit Union Limited pendant une dizaine d’années, dont trois à titre de présidente. Elle est active au sein de la communauté diplômée de l’École Telfer, dont elle a obtenu un MBA pour cadres en 2017.
Tanya Gracie est aussi un modèle pour la communauté étudiante de Telfer, riche de son expérience et de ses compétences en gouvernance, un domaine où elle est reconnue pour son expertise, surtout à Ottawa. Cette professionnelle rompue à la gestion des risques et à la stratégie se spécialise dans les solutions de transformation d’entreprise et la mise en œuvre de changements positifs. En reconnaissance de son leadership en matière de gouvernance et au service de la communauté, l’École de gestion Telfer est fière de remettre à Tanya Gracie le prix Jeune Phénix de l’année, qui souligne la réussite professionnelle fulgurante des personnes diplômées de moins de 40 ans.
Le pouvoir de l’éducation
Tanya Gracie attribue son exploit au pouvoir de l’éducation. Animée par sa soif d’apprendre, elle a d’abord obtenu un double baccalauréat spécialisé en psychologie et en mondialisation de l’Université Wilfrid-Laurier. L’année suivante, elle sortait de l’Université du sud du New Hampshire avec une maîtrise ès sciences en développement économique communautaire. Huit années plus tard, elle s’est inscrite au MBA pour cadres de Telfer, puis au programme de perfectionnement des administrateurs de l’Institut des administrateurs de sociétés, offert conjointement par les écoles de gestion Telfer et Rotman.
« Je suis vraiment avide d’apprendre, que ce soit ou non dans un contexte officiel, confie-t-elle lors d’une entrevue. Chacun des programmes d’études que j’ai suivis m’a apporté des connaissances différentes, mais toutes aussi importantes pour ma carrière. » Son diplôme de premier cycle, qui combinait la science et l’art, lui a appris à établir des liens entre la communauté et les organisations. Sa maîtrise lui a procuré de solides compétences en gestion de projets. Puis, elle a fait un MBA pour cadres à Telfer. « Le programme était d’un calibre plus élevé que les autres, à une autre échelle complètement, et je l’ai suivi au bon moment. »
Le MBA pour cadres : la pièce manquante
« J’avais déjà dix ans d’expérience professionnelle quand je me suis inscrite au MBA pour cadres », souligne-t-elle. Elle travaillait alors à Ottawa, à l’association commerciale nationale représentant le secteur coopératif. Forte de sa vaste expérience, elle savait que ce secteur regroupait des entreprises de domaines très variés, allant de l’agriculture jusqu’aux services financiers. Or, le modèle coopératif, qui offre pourtant de belles possibilités de croissance et une multitude d’applications, était totalement absent des programmes de la plupart des écoles de gestion.
« Il n’y a aucune raison d’ignorer ce secteur, déplore-t-elle. On le considère souvent en marge du monde des affaires, mais il y a beaucoup de choses à apprendre de tous les modèles opérationnels [à but lucratif, sans but lucratif, coopératif, etc.]. » Il était temps pour elle de faire un MBA pour créer des connexions dans son contexte professionnel et approfondir sa compréhension des affaires. Dans sa recherche d’un programme comportant un volet en classe, elle a découvert le MBA pour cadres de Telfer : « À la séance d’information, j’ai appris que six projets de consultation étaient au programme – pour moi, l’idée de pouvoir travailler directement avec des organisations du secteur sans but lucratif ou de jeunes pousses était un élément très convaincant. » Elle a aussi été séduite par le projet de consultation en été que les participantes et participants peuvent effectuer auprès de leur employeur ou dans un contexte professionnel différent.
« Avec ce MBA pour cadres, je cherchais à approfondir ma connaissance et mon expérience de toutes les facettes du milieu des affaires à Ottawa », poursuit-elle. Le programme tombait vraiment à pic dans son cheminement de carrière. Elle avait déjà de bonnes bases, mais elle était impatiente d’en apprendre plus sur les modèles et les théories différentes qu’il proposait. C’était la pièce qui manquait à son casse-tête, une plongée en mode intensif au cœur de différentes organisations, qui allait lui faire gagner beaucoup de temps : « Il faudrait changer d’employeur de nombreuses fois au cours d’une carrière pour accumuler une expérience aussi diversifiée », dit-elle. Le MBA pour cadres a renforcé les compétences qu’elle avait acquises dans le secteur coopératif, en plus d’enrichir ses connaissances en matière de gouvernance. Grâce à la synergie entre toutes ces compétences, elle excelle « des deux côtés de la table », illustre-t-elle.
Mais cette passionnée de l’apprentissage n’allait pas s’arrêter là. Après son MBA pour cadres, elle a suivi le Programme de perfectionnement des administrateurs de l’Institut des administrateurs de sociétés, offert par les écoles de gestion Telfer et Rotman. Elle voit deux avantages à ce type de formation : c’est l’occasion de rencontrer des membres du corps professoral et des collègues du même secteur dans un contexte d’apprentissage commun, mais aussi d’explorer des sujets d’intérêt dans un cadre officiel, et la gouvernance a toujours occupé une place importante dans sa vie professionnelle et personnelle.
« J’ai longtemps siégé à des conseils d’administration, explique-t-elle. Quand je me suis installée à Ottawa, je vivais dans une coopérative d’habitation où chaque membre participe à la gouvernance, et c’est ce qui m’a donné l’envie de m’impliquer ailleurs. » Lorsqu’elle a été admise à la coopérative d’habitation, on lui a demandé de se joindre au conseil, puisqu’elle avait une formation et de l’expérience en la matière. Elle a ensuite intégré le conseil d’une coopérative de crédit à Ottawa. Son aptitude et son intérêt croissants pour la gouvernance l’ont menée vers d’autres organisations, notamment la CCN et le Bureau des services à la jeunesse. Le programme de MBA pour cadres a enrichi son parcours en lui procurant une expertise supplémentaire. « La professeure Daina Mazutis donnait un excellent cours sur la gouvernance, se souvient-elle. J’avais le sentiment que je pouvais encore me perfectionner, tant d’un point de vue personnel que professionnel, et c’est ce qui m’a conduite vers le programme de perfectionnement des administrateurs. » Son intention n’était pas d’accumuler les maîtrises, mais chaque programme s’insérait parfaitement dans son cheminement de carrière. Et elle compte bien continuer d’apprendre : « Je pense que ce n’est pas la fin de ma formation, et j’aimerais aussi enseigner pour redonner de cette façon à la communauté. »
La gouvernance : gestion et leadership sous forme de contribution collective
Plusieurs facteurs ont entraîné Tanya Gracie sur cette voie professionnelle. « Je suis tombée très tôt dans la marmite de la gouvernance, quand je me suis familiarisée avec le système coopératif, raconte-t-elle. Déjà à l’école secondaire, j’étais active dans l’association étudiante, mais c’est seulement sur le marché du travail que j’ai découvert le rôle d’un conseil d’administration. »
Lorsqu’elle a accepté un emploi à l’Association des coopératives du Canada, en 2008, elle a quitté sa petite ville en Ontario pour s’installer à Ottawa. Pendant près de six ans, elle y a été responsable de la mobilisation des membres. Travaillant en collaboration avec la haute direction et le conseil d’administration, elle a appris à connaître le milieu coopératif canadien. C’est là qu’elle a compris le fonctionnement d’un conseil et développé un intérêt pour la gouvernance et la stratégie. « Il est très important de pouvoir compter sur un groupe de personnes capables d’exercer une vigilance sur les affaires de l’entreprise sans y être liées », ajoute-t-elle. Avec le recul qu’elles ont par rapport aux activités opérationnelles, ces personnes apportent un point de vue et des avis rigoureux : « Les membres du conseil ont des parcours très différents, mais mettent collectivement leur expérience au service de la direction pour orienter la stratégie et la croissance de l’organisation », résume-t-elle.
La passion, une condition essentielle pour redonner
En général, les organisations ont l’entière liberté de définir leur approche de la gouvernance en vue d’assurer leur réussite, leur inclusivité et leur responsabilité. Mais pour ce qui est de la participation individuelle à la gouvernance, Tanya Gracie estime que les membres du conseil doivent avoir un intérêt à l’égard du mandat, de la clientèle et des objectifs de l’organisation. « Si on ne se passionne pas pour le travail que fait l’entreprise, on n’a rien à faire dans son conseil d’administration, soutient-elle. C’est la passion qui me motive à continuer. J’apprends beaucoup, continuellement, et c’est une relation de réciprocité, car tout en donnant mon avis sur la gestion de l’entreprise, je côtoie des personnes de différents horizons. »
Tanya Gracie au service de la communauté d’Ottawa
Actuellement, Tanya Gracie siège à trois conseils d’administration. En tant que membre du conseil et présidente du comité de vérification de la CCN, elle est reconnaissante d’avoir cette « excellente occasion » d’apprendre des choses sur la région de la capitale nationale et d’agir pour le bien commun. En effet, la CCN est la gardienne des territoires fédéraux qu’elle possède dans la région d’Ottawa-Gatineau. « C’est une véritable chance de vivre dans cette région, se réjouit l’administratrice. On ne s’en rend pas toujours compte, mais on passe régulièrement sur des terres et des cours d’eau qui appartiennent à la CCN. » Sa nomination par le gouverneur en conseil à cet organe important pour le pays et la région a coïncidé avec l’obtention de son MBA pour cadres à Telfer. « C’est un honneur pour moi. J’ai beaucoup appris sur le mandat essentiel de la CCN, soit maintenir une capitale à la fois accessible et verte, et nous pouvons toutes et tous en être fiers. » Après cinq ans au conseil de cette société d’État, elle adore sillonner la région, sachant qu’elle a participé à la prise de nombreuses décisions. Cette expérience unique est pour elle « une leçon d’humilité ».
Elle se passionne aussi pour son rôle auprès du Bureau des services à la jeunesse, à Ottawa. Ce sont ses études à Telfer qui l’ont amenée vers cet organisme. En effet, lorsqu’elle était au programme de perfectionnement des administrateurs, elle a rencontré une personne qui était membre du conseil du Bureau et qui, connaissant son expertise en matière de gouvernance, l’a encouragée à poser sa candidature. On connaît la suite... Aujourd’hui, par l’entremise du conseil d’administration, Tanya Gracie contribue à aider les jeunes marginalisés et vulnérables ainsi que leur famille, notamment dans le cadre d’initiatives pour la santé mentale, l’emploi, la justice pour les jeunes et le logement.
Bien que les conseils d’administration de la CCN et du Bureau jouent des rôles très différents, elle leur trouve des points communs : « Les deux organismes agissent pour le bien de la société, travaillent à l’amélioration de l’accessibilité et protègent les gens et les lieux dans un environnement en constante évolution. »
Déterminée à redonner à la communauté et à contribuer au changement pour le bien commun, elle ne pouvait rêver d’une plus belle carrière. Et son parcours sort de l’ordinaire : en effet, elle est plus jeune que la plupart des membres de conseils d’administration. Peu de jeunes se voient participer à la gouvernance d’entreprises, encore moins au sein de conseils d’administration de grandes organisations qui sont habituellement composés de personnes chevronnées. C’est pourquoi Tanya Gracie désire faire savoir à la population étudiante de Telfer que cette voie existe et que le plus important, c’est l’expérience bien plus que l’âge. « C’est mon expérience au sein d’un système coopératif qui m’a conduite sur le chemin de la gouvernance, rappelle-t-elle. J’ai eu la chance d’y être initiée à un très jeune âge. »
Un vent de changement pour inclure les femmes dans la gouvernance
Ce n’est un secret pour personne, les professionnels d’expérience – hommes – dominent dans les sphères de la gouvernance. « Sans vouloir généraliser, les conseils d’administration sont encore souvent composés d’hommes expérimentés, soutient Tanya Gracie. On déploie toutefois des efforts pour diversifier et mieux équilibrer leur composition. Maintes études ont démontré les avantages de la diversité, non seulement des âges et des genres, mais aussi des origines ethniques. » Elle favorise la pluralité des opinions, l’égalité des chances et le décloisonnement au sein du conseil d’administration.
La diversification des conseils s’inscrit dans les efforts plus larges de diversification des organisations. Les choses changent aussi pour les sociétés d’État, comme la Commission de la capitale nationale, dont Tanya Gracie siège au conseil depuis 2017. En 2015, le gouvernement fédéral a mis en place un nouveau processus de nomination des membres pour améliorer la représentation et la parité dans les conseils d’administration.
Du cercle privé au cercle ouvert
Les sociétés cotées en bourse ont encore du chemin à faire, selon Tanya Gracie, mais il existe des organisations qui travaillent à améliorer la parité hommes-femmes dans les conseils d’administration. « J’ai travaillé dans une organisation de ce genre, comme le programme de perfectionnement des administrateurs et Women Get on Board, qui encouragent l’intégration de femmes aux conseils d’administration en leur offrant une formation en gouvernance », témoigne-t-elle. Il ne suffit pas de créer des ressources en espérant que les gens viendront spontanément, à plus forte raison dans un milieu qui exclut certains groupes. S’appuyant sur son parcours exceptionnel et sa vaste expérience, Tanya Gracie s’emploie à promouvoir ces programmes et les différentes avenues qu’ils ouvrent auprès de profils diversifiés.
Elle a une vue de l’intérieur sur le monde de la gouvernance depuis plus d’une vingtaine d’années et elle constate qu’il s’est professionnalisé au fil du temps. « Elle est révolue, cette époque où les conseils d’administration étaient des cercles privés, où les membres faisaient jouer leurs relations et se contentaient d’apposer un sceau sur des documents, affirme-t-elle. Les choses ont bien changé. » Avec l’avènement d’Internet et des médias sociaux et l’attention accrue portée à la responsabilité d’entreprise en matière d’ESG, le public et les actionnaires réclament plus de transparence. « Tout le monde veut savoir ce que fait l’entreprise, comment elle traite son personnel et l’environnement, comment elle utilise les données personnelles et à combien s’élèvent ses recettes », observe-t-elle. Toute organisation doit prendre ces aspects en considération dans sa stratégie et ses activités, ce qui fait que les conseils d’administration assument aujourd’hui une responsabilité et une imputabilité accrues.
Les femmes dans les hautes fonctions : quelques leçons de vie de Tanya Gracie
En véritable modèle professionnel, récompensée cette année du prix Jeune Phénix pour sa clairvoyance et sa ténacité, Tanya Gracie souhaite donner quelques conseils à la communauté étudiante de Telfer : « Saisissez autant d’occasions que possible. Sortez des sentiers battus, impliquez-vous dans au moins une activité en dehors de vos études. » C’est ce principe qui l’a toujours guidée dans sa carrière. Pendant ses études, sans rien connaître du secteur coopératif, elle a accepté un emploi d’été dans les bureaux d’une coopérative agricole, qui lui a donné un aperçu de ce modèle opérationnel. Cette expérience a façonné la suite de sa carrière. « Profitez de vos années à l’université pour explorer de nouvelles avenues, par exemple dans un club étudiant ou un stage coop, encourage-t-elle. Ça m’a apporté beaucoup! »
Nul doute que Tanya Gracie continuera d’explorer de nouvelles possibilités dans sa vie professionnelle. Telfer est fière de la compter dans sa communauté diplômée et de lui remettre le prix Jeune Phénix de l’année.