La passation du flambeau : préparer la relève d’une entreprise familiale
Pour bien planifier sa carrière, il importe de connaître son objectif ultime ainsi que les étapes pour y parvenir. Bref, de mettre toutes les chances de son côté. Toutefois, pour la relève d’une entreprise familiale, la marche à suivre ne va pas forcément de soi. Chacune de ces entreprises a ses particularités, ses règles et procédures, même si elles ne sont pas toujours bien définies, d’où la question : comment bien se préparer à devenir gestionnaire dans l’entreprise familiale?
La troisième des huit causeries de la série NxG Legacy traitait justement de ce sujet. Animée par les professeurs de l’École Telfer Peter Jaskiewicz et Sabine Rau, elle réunissait les panélistes Alexandra Heraeus, de Heraeus Holding et Vincent Chian de la Fairview International School, tous deux membres d’une entreprise familiale.
Se préparer dès l’enfance
Alexandra Heraeus a commencé à se préparer à jouer un rôle actif dans l’entreprise familiale dès son plus jeune âge. Elle a eu la chance que son père mette ses enfants à contribution de diverses façons. « En plus de m’offrir des stages, il parlait de l’entreprise [à la maison…] et m’amenait parfois avec lui en voyage d’affaires en Chine et en Inde », explique-t-elle, ajoutant que ces expériences l’ont éclairée, en particulier sur les valeurs de l’entreprise.
Alexandra Heraeus a également eu l’occasion d’approfondir ses connaissances en travaillant simplement pour l’entreprise, en assistant aux activités et aux réunions des actionnaires, par exemple. Elle se souvient de l’une d’elles en particulier. Elle avait 12 ans et se désolait de manquer une fête à cause d’une réunion. Toutefois, avec les années, elle s’est rendu compte qu’il valait mieux ne pas y aller de reculons, mais de foncer. « L’assiduité et la motivation, tout part de là », affirme-t-elle.
Dans la famille de Vincent Chian, la préparation passe avant tout par l’observation. « Mon père disait toujours que les bons chefs de file font leurs débuts en suivant l’exemple », explique-t-il. Cette leçon de sagesse lui a notamment été transmise, ainsi qu’à ses sœurs et frères, par la règle voulant que toute personne qui se joint à l’entreprise familiale commence au bas de l’échelle. Vincent Chian a donc débuté comme enseignant en biologie malgré sa formation poussée en psychiatrie. « Chaque membre de la famille a commencé par enseigner, sans exception. Il faut d’abord faire ses armes sur le terrain. »
D’autres pratiques familiales ont aidé Vincent Chian à se préparer, notamment une politique exigeant que chaque membre obtienne une maîtrise en administration des affaires et participe au Family Business Network. L’écoute représentait une part importante de ce travail de préparation. Vincent Chian a dû assister à toutes les réunions de la direction pour observer et écouter. « On ne comprend la valeur de ces réunions que sept ou huit ans plus tard », ajoute-t-il.
Apprendre, une étape à la fois
L’entreprise familiale d’Alexandra Heraeus, qui compte 200 membres actionnaires, dispose en outre d’un grand bassin de relève dans lequel elle peut puiser. Elle explique que pour stimuler l’intérêt et resserrer les liens, sa famille a mis en place différentes activités thématiques de petite et de grande envergure. Par exemple, pour les 14 à 25 ans, un programme annuel leur permet de mieux comprendre les rouages internes de l’entreprise ainsi que les tenants et les aboutissants du rôle d’actionnaire. Les jeunes apprennent les principes de base de l’entreprise, passent en revue les aspects techniques d’une réunion d’actionnaires et y acquièrent des compétences utiles comme l’art de s’exprimer en public.
Dans la famille de Vincent Chian, le processus d’apprentissage des recrues comporte plusieurs étapes, notamment se joindre à un petit groupe qui touchera à chaque facette de l’entreprise afin d’acquérir les compétences de gestion essentielles. Ce groupe, composé de sept personnes, est déployé un peu partout et doit s’immerger dans un grand nombre de domaines, explique-t-il : opérations, finance, marketing et ventes.
Une autre étape consiste à diriger un projet en ayant toute latitude pour agir. Cependant, son père n’était jamais bien loin pour prodiguer des conseils et faire des suggestions. « On avait le droit de se planter. L’objectif était de découvrir notre style de leadership. Cette expérience nous a préparés à bien diriger l’entreprise. »
L’art de s’embrouiller… et autres trouvailles
Les deux panélistes ont prodigué d’autres leçons et conseils précieux. Vincent Chian, par exemple, a souligné l’importance du professionnalisme, de maîtriser une technique et du réseautage. Il a ajouté que nande hutu, une expression en mandarin qui veut dire « l’art de s’embrouiller », l’a sauvé à plusieurs reprises. Comme il l’a expliqué, il n’existe pas vraiment d’équivalent en anglais (ni en français), mais l’idée générale est de faire preuve de tact et d’humilité.
Pour Alexandra Heraeus, décomposer les problèmes des actionnaires en plusieurs étapes lui a été d’une grande utilité, mais aussi continuer de croire que l’on peut appréhender les concepts les plus complexes si l’on se donne le temps d’apprendre et de poser les bonnes questions. « Il faut se convaincre qu’on peut tout surmonter », ajoute-t-elle.
Les forums NxG Legacy
Le thème du patrimoine et de la création de bureaux de gestion a été abordé lors du deuxième forum NxG Legacy avec des conseils et des idées sur l'importance d'une vision à long terme, la nécessité de l'éducation et la nécessité de prendre le temps de bien faire les choses.
Découvrez ce qui s'est passé lors du premier forum NxG Legacy, au cours duquel les membres de Next Gen ont partagé leurs points de vue sur la façon de travailler de manière constructive avec les membres de la famille dans une entreprise.