Jacqueline Rigg (B.Com. 1990), championne de la diversité en milieu de travail
Cadre aux mille talents qui possède 35 ans de succès dans une multitude de secteurs et de fonctions, Jacqueline Rigg a obtenu son B.Com. de l’Université d’Ottawa en 1990. Cette philanthrope d’une incroyable générosité apporte des changements significatifs et réels dans le domaine de l'équité, de la diversité et de l'inclusion sur le lieu de travail depuis plus de trente ans.
Maintenant retraitée, elle a connu une brillante carrière et occupé de hautes fonctions : chef de la direction de l’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada (APEX), chef des ressources humaines au ministère de la Défense nationale (où elle a encadré plus de 24 000 personnes de six régions), vice-présidente des ressources humaines à l’Agence des services frontaliers du Canada (où elle avait la responsabilité de plus de 14 000 personnes).
Aussi à l’aise au privé qu’au public ou dans le secteur sans but lucratif et dans des domaines aussi variés que les finances, le marketing ou les communications, Jacqueline a notamment été cadre chez Bell Canada et y a même mené une campagne de marketing de 1,5 milliard de dollars.
Résolue à bâtir un avenir meilleur pour tout le monde, elle a permis des avancées considérables dans le dossier de l’équité au travail : elle a cofondé le Black Women’s Executive Network de la fonction publique du Canada, elle a assuré la présidence du Comité consultatif national sur l’équité en matière d’emploi et la diversité, elle a été championne de l’ASFC pour les minorités visibles et elle est membre du Réseau des exécutifs noirs.
Pour ses contributions, Jacqueline s’est notamment vue décerner le titre de championne de la diversité et l’équité à l’ASFC et celui de membre émérite du corps professoral de l’École de la fonction publique du Canada.
Aujourd’hui, elle redonne à la communauté par le bénévolat et la philanthropie, en plus de siéger au conseil de l’Ottawa Grace Manor. Cette année, l’École de gestion Telfer l’a nommée cadre en résidence des programmes pour cadres afin d’y promouvoir l’inclusion et l’équité.
Diplômée exemplaire de l’École, elle s’est bâti une carrière d’exception et continue de changer la donne à Ottawa, mais aussi dans toute la province et jusqu’à l’échelle fédérale. Ce n’est que justice que s’ajoute à la liste de ses distinctions la médaille R. Trudeau, la plus prestigieuse qui soit remise par notre école aux membres remarquables de sa communauté diplômée. Et la passion de cette femme à faire progresser la société transcende les générations : pas plus tard que l’an dernier, son fils Tyson (B.Com. 2016) a reçu le prix Jeune Phénix de l’École Telfer pour ses contributions à la culture financière auprès de différentes populations.
La clarté : un aspect essentiel de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI) en milieu de travail
En tant que cadre en résidence, Jacqueline met au service de l’EDI à Telfer le travail de toute une vie. Au cœur de cette initiative réside une vérité toute simple, mais profonde : les mots comptent. La façon dont nous nous exprimons compte. Si le but est de se doter d’un milieu de travail diversifié et inclusif, il faut se départir des étiquettes d’équité et promouvoir plutôt la fierté et l’individualité. L’un des objectifs de Jacqueline Rigg est de clarifier la question de l’EDI. « Il faut comprendre que la clarté se passe d’étiquettes. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’équité et d’égalité des chances », explique-t-elle.
En effet, l’étiquette de l’équité demeure une étiquette qui divise les gens. Au lieu de se concentrer sur une comparaison de « nous » et « eux », les lieux de travail devraient se concentrer sur la création d'un esprit de communauté en encourageant leurs membres à célébrer les particularités et la personnalité de chacune et chacun, sans égard à sa race, ses croyances ou son orientation, par exemple. Pourquoi faudrait-il que seuls les membres des quatre groupes visés par la Loi sur l’équité en matière d’emploi s’identifient, et pas tout le monde? Pourquoi les personnes de couleur devraient-elles porter une étiquette alors que celles qui n’appartiennent pas à une minorité visible peuvent simplement vivre leur existence et travailler sans qu’on leur en colle une?
À vrai dire, la Loi sur l’équité en matière d’emploi date de 40 ans et ne correspond pas à la réalité actuelle. Les groupes minoritaires qu’elle mentionne sont les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres de groupes racisés. Au cours de sa carrière, Jacqueline a vu maintes fois des organisations s’enliser dans l’atteinte de quotas et passer totalement à côté du véritable objectif : offrir des chances égales et équitables à tout le monde. Consciente que cette loi désuète ne désigne que quatre groupes, la spécialiste enjoint les organisations à élargir et moderniser leur lexique identitaire afin de mieux représenter la diversité canadienne.
Cela dit, tout espoir n’est pas perdu : après tant d’années à côtoyer cet espace, elle constate des progrès et nourrit un optimisme prudent quant à l’égalité des chances dans la fonction publique de demain : il n’est pas exclu que tout le monde soit invité à s’identifier, et pas seulement les membres des groupes désignés.
Certes, l’idée de fierté et d’individualité est centrée sur la connaissance et l’acceptation de soi, mais elle n’exclut aucunement les notions d’empathie et de compassion pour les autres. « Le seul moyen de progresser est de reconnaître que notre humanité suffit en elle-même, que le fait d’être humain est le seul point commun dont nous avons besoin », souligne-t-elle.
Changer la culture pour changer le système
Si les cadres d’action évoluent, Jacqueline sait que le changement véritable nécessite une transformation du système et de sa culture sous-jacente, et qu’il faut pour cela du temps. Il s’agit d’un travail de longue haleine qui demande d’abord de changer notre perception des gens.
Le travail de terrain commence souvent par l’action citoyenne de quelques braves. Lorsque Jacqueline a cofondé le Black Women’s Network, son ministère comptait seulement trois femmes noires, dont elle-même. Ce qui a débuté par un petit groupe s’affairant sur un coin de bureau après les heures de travail est maintenant devenu un réseau en bonne et due forme qui se réunit régulièrement avec les responsables de la fonction publique pour améliorer la situation de l’inclusion. Comme nous le disions, il y a du progrès et de l’espoir.
« Il n’y avait personne à mon image. »
La représentation, ça compte. Se reconnaître parmi les membres de la direction et les modèles de qui s’inspirer, ça compte. Mais que se produit-il si on ne croise jamais de gens semblables à nous à l’école, au travail ou dans la salle de conférence? Que se passe-t-il lorsque personne ne nous ressemble? Pendant bien des années, c’est ainsi qu’a vécu Jacqueline.
« Dans les familles de personnes immigrantes, on vous dit toujours de faire profil bas et travailler avec acharnement pour obtenir peu, se remémore-t-elle. J’ai travaillé dur toute ma carrière. Le parcours aura sans doute été plus long pour moi parce que je suis une femme noire, mais j’ai quand même eu la chance de pouvoir rejoindre les rangs de la direction. Il n'y avait personne qui me ressemblait. »
C’était déjà le cas à l’école, où ses sœurs et elle, étaient les seules fillettes noires de leur classe. Et c’était encore le cas dans le cercle de la direction. Lorsqu’elle briguait une promotion, les comités d’évaluation étaient exclusivement composés de personnes blanches. Ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Jacqueline a alors rejoué mentalement toutes les expériences de ce genre qu’elle avait vécues et a déclaré : « Je suis prête à siéger dans les comités d’embauche. » Elle se souvient d’une candidate qui lui a dit plus tard que le fait qu’une évaluatrice soit une femme noire a fait toute la différence. Cette confidence a motivé Jacqueline à continuer et à prêter une attention particulière aux statistiques relatives aux minorités visibles ainsi qu’aux gens occupant des postes d’autorité.
Lorsqu’elle a rejoint la haute direction de l’ASFC, quelqu’un lui a envoyé une photo officielle de l’équipe de direction. Tout le monde avait la peau blanche. Jacqueline est allée voir le sous-ministre de l’Agence pour la lui montrer et a dit : « Quelque chose ne va pas sur cette photo. » Ce à quoi il lui a répondu : « Vous avez raison. » Dix-huit mois plus tard, la direction comptait plusieurs femmes et personnes de couleur. Jacqueline n’était plus la seule femme d’une minorité visible à la vice-présidence de l’Agence.
« L’élément déclencheur, ça a été de ne voir personne à mon image aux étapes les plus importantes de ma vie et de me dire que ce n’était pas normal. Je connais des gens brillants qui méritent d’être ici. Mais pour cela, il faudrait leur donner leur chance, faire régner l’équité et la prospérité pour tout le monde. Il faut voir au-delà des différences, du clivage « nous » et « eux », et reconnaître que nous pouvons tous et toutes nous entraider. Jacqueline se souvient de l’homme qui l’a épaulée dans son avancement professionnel en lui dispensant de précieux conseils au fil des années. C’était l’ancien olympien John Ossowski. Un Blanc. « Je n’aurais jamais cru qu’une personne comme lui me vienne en aide, mais c’est exactement ce qu’il a fait », confie-t-elle.
Bâtir un héritage : les conseils de leadership de Jacqueline Rigg
Pendant qu’elle atteignait des sommets professionnels et défonçait les barrières auxquelles se heurtent les groupes racisés dans la fonction publique, Jacqueline élevait en parallèle une famille, un rôle qui s’accompagne de ses propres défis. Lorsqu’elle a épousé un ingénieur du Service paramédic d’Ottawa, avec qui elle a eu deux fils, la famille s’est établie à Ottawa. Quelques années après la naissance des garçons, ils ont déménagé à Toronto.
« Quand Tyson était en 1re année, il a eu affaire à une enseignante raciste », se rappelle-t-elle. Alors qu’il obtenait jusqu’alors de bons résultats dans tous ses devoirs, son bulletin montrait maintenant des résultats bien différents, que des C et des D. Lorsque Jacqueline s’est renseignée auprès de l’école, l’institutrice a dit que son garçon la faisait toujours rire et qu’il semblait taillé pour l’athlétisme. Elle n’a pas apprécié cette réponse, elle qui accorde une grande importance aux études de ses fils et leur a inculqué cette valeur dès leur plus jeune âge. D’ailleurs, à l’obtention de son diplôme universitaire, Tyson s’était taillé une place au palmarès du doyen. « Si j’avais laissé cette enseignante avoir le dernier mot, la vie de mon garçon aurait sûrement été différente. D’autres parents de minorité visible auraient pu adhérer aux stéréotypes de cette institutrice et penser que leur enfant n’était pas assez intelligent ou intelligente. » C’est précisément des étiquettes comme celle du Noir sportif qui privent trop souvent ces jeunes hommes de la chance de poursuivre leurs études et de changer la donne dans un autre domaine que celui de l’athlétisme. Aujourd’hui, Tyson Rigg, CFA, PFP, QAFP et CIM, est conseiller principal en placements et gestionnaire de portefeuille pour BMO Gestion privée de placements inc. De surcroît, il est lauréat 2022 du prix Jeune Phénix de Telfer et contribue activement à l’avancement de la culture financière dans la population générale, en particulier pour les familles des minorités visibles.
« Ne laissez jamais personne vous limiter dans vos actions », conseille Jacqueline aux étudiantes et étudiants actuels de Telfer. « Avec de la volonté, vous pouvez accomplir tout ce que vous voulez. » Même si quelque chose paraît difficile de prime abord, elle recommande de s’en tenir à sa ligne de conduite. Tôt ou tard, vous parviendrez à votre but. Il peut être tentant de céder à la facilité, mais le sentiment d’accomplissement que vous retirerez sera bien plus grand si vous relevez un véritable défi par la seule force de votre volonté.
Formation continue : des acquis pour la vie
Jacqueline n’a jamais arrêté de s’instruire et conserve de bons souvenirs de son passage à l’Université d’Ottawa : « Je suis très fière de mon B.Com. de Telfer. Mon expérience d’apprentissage a été fantastique. Je me souviens encore de la camaraderie, du sentiment d’appartenance et de l’amitié qui régnaient. »
Son diplôme de l’Université d’Ottawa a marqué le coup de départ du parcours d’études de cette disciple de la formation continue. Estimant que la fin de l’apprentissage est synonyme d’échec, elle a donc enchaîné avec le programme de leadership pour cadres de l’Université Queen’s, un programme de perfectionnement pour cadres et gestionnaires de l’Organisation mondiale des douanes et le Programme de développement en leadership pour les cadres supérieurs de l’École de la fonction publique du Canada (EFPC).
« J’ai toujours pensé que le meilleur moyen de faire avancer le dossier de l’égalité était d’être une bonne leader », soutient Jacqueline. Aujourd’hui, elle poursuit son apprentissage en lisant, toujours, et en invitant des gens formidables de différentes communautés à venir donner des conférences dans le cadre du Programme de perfectionnement de l’EFPC, dont elle est membre émérite du corps professoral. « À mes yeux, rien n’est plus payant que de se tenir au fait de ce qui se passe. Les gens qui cessent de cultiver leurs connaissances ne sont pas assez bien informés pour s’exprimer sur quoi que ce soit. »
Finalement, Jacqueline Rigg est revenue à Ottawa avec son mari et leurs deux fils, qui ont maintenant leurs propres familles. Bien qu’elle soit à la retraite, elle continue de travailler avec l’École Telfer et dans la communauté, sans jamais cesser d’apprendre. Notre école est fière de compter Jacqueline Rigg parmi les membres de sa communauté diplômée, et nous brûlons d’impatience de voir ce qu’elle accomplira.
Note de la rédaction : Cet article a été rédigé avec l’appui de Jacqueline Rigg.