Un ingrédient indéfinissable mais essentiel de la réussite d’activités concertées en santé est d’amener une pluralité d’acteurs individuels et de groupe à trouver un « terrain d’entente ». Les recherches menées à ce jour ne voient la plupart du temps dans le terrain d’entente qu’un événement ponctuel, ignorant les multiples activités requises pour y arriver.

Le professeur Craig Kuziemsky, de l’École de gestion Telfer, et la professeure Tracey O’Sullivan, de l’École interdisciplinaire des sciences de la santé, estiment qu’il faut voir dans la recherche concertée d’un terrain d’entente plus qu’une conversation, un échange d’information ou un modèle commun. L’étude qu’ils ont publiée dans le numéro de mars de Social Science and Medicine présente la recherche d’un terrain d’entente comme un processus dynamique qui, selon les auteurs, amène les communautés de la santé à collaborer afin de passer à l’action et de résoudre des problèmes.

« Les gens ont grand besoin, comme l’indiquent cette étude et d'autres études, de réunir suffisamment de connaissances pour communiquer, coordonner et collaborer dans le cadre d’activités de groupe », explique le professeur Kuziemsky, directeur du programme de maîtrise ès sciences en systèmes de santé à l’École Telfer. L’une des grandes difficultés du terrain d’entente tient à l’évolution asynchrone de ses nombreuses composantes. La perte d’interaction directe peut rendre la collaboration ardue. Il faut commencer par en jeter les bases. « Les gens doivent apprendre à se sentir à l’aise les uns avec les autres en se côtoyant et en familiarisant avec les processus et les ressources. »

Les professeurs Kuziemsky et O’Sullivan ont étudié la recherche d’un terrain d’entente dans trois collectivités canadiennes de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario et de l’Alberta d’octobre 2010 à mars 2011. Cela s’est fait dans le cadre d’un projet sur le renforcement des capacités pour la gestion de crise au moyen de discussions de groupe réunissant des participants de secteurs multiples, y compris des professionnels en gestion de crise, des pompiers, des policiers, des ambulanciers paramédicaux, des travailleurs sociaux, des agents de liaison communautaire et des représentants d’autres services essentiels. L’étude a permis de cerner trois étapes distinctes de l’établissement d’un terrain d’entente, à savoir la création de la structure de gouvernance pour la conversation, le réseautage et l’échange (étape de la coordination), l’élaboration de règles et de protocoles (étape de la coopération) et, enfin, l’utilisation de ces protocoles pour résoudre des problèmes (étape de la collaboration).

Cette étude est la première à avoir examiné à fond la relation entre l’établissement d’un terrain d’entente à micro (individuelle) et à macro-échelle (de groupe). Il faut comprendre ce qui motive les individus à collaborer et ce qu’ils doivent gagner à le faire afin d’établir un terrain d’entente à l’échelle d’un groupe, explique le professeur Kuziemsky. Bien que la recherche d’un terrain d’entente soit une activité de groupe, un groupe est la somme de plusieurs individus uniques. La volonté d’un individu de demeurer autonome sans échanger de renseignements et de ressources fait obstacle à l’établissement d’un terrain d’entente à l’échelle du groupe. « L’établissement d’un terrain d’entente est avant tout une négociation sur les besoins des individus et du groupe. »

En définissant les catégories particulières de l’établissement d’un terrain d’entente à l’échelle individuelle et de groupe, la recherche offre un moyen de viser l’obtention de résultats collaboratifs. Cette perspective est semblable au concept de l’apprentissage social, qui étudie les différences entre l’apprentissage individuel et l’apprentissage de groupe et la façon de concevoir des artéfacts pédagogiques (p. ex. des ressources documentaires, des outils d’apprentissage) pour intégrer les deux types d’apprentissage, souligne le professeur Kuziemsky. « En effet, nous pourrions à l’avenir intégrer les théories de l’apprentissage social et d’autres domaines pour élargir la dimension individu-groupe de notre recherche. »