Doctorant à l’honneur - Shahin Basiratzadeh
Shahin Basiratzadeh a entrepris des études doctorales en gestion des systèmes de santé en 2019, à l’École de gestion Telfer. Il travaille sous la direction de Wojtek Michalowski, Herna Viktor et Natalie Baddour.
Pourquoi avez-vous choisi d’étudier la gestion des systèmes de santé?
Ma volonté d’améliorer la prestation des soins est profondément ancrée dans une expérience que j’ai vécue il y a plusieurs années. J’ai malheureusement perdu ma grand-mère en raison de l’arrivée tardive d’une ambulance, et je suis convaincu que cette situation aurait pu être évitée. Au fil des ans, en poursuivant mes études et en menant des recherches en génie et en entrepreneuriat, j’ai développé une passion et un attachement véritable pour l’exploitation de solutions de santé novatrices axées sur la technologie afin de réduire le temps d’attente des patients et de sauver des vies.
Avant mon doctorat, j’ai eu l’occasion de travailler sur des projets audacieux d’intérêt pratique dans le domaine de la santé. J’ai notamment conçu un drone d’urgence capable d’explorer rapidement des terrains accidentés, ainsi qu’une application de réalité augmentée destinée à l’évaluation précise de la posture. Ces projets salués à l’échelle nationale et internationale ont fait l’objet d’articles dans des revues à comité de lecture.
Le parcours des solutions de santé se prolonge bien au-delà de leur création. La véritable innovation se mesure par son intégration complète au système de santé, où elle peut procurer des bienfaits concrets à la patientèle et aux membres du corps médical. Au vu de la complexité des systèmes de santé modernes, cet objectif s’avère particulièrement difficile à atteindre. C’est cette reconnaissance qui a alimenté mon désir d’approfondir mes connaissances et m’a amené à entreprendre un doctorat en gestion des systèmes de santé. En ce moment, mes recherches se concentrent sur la création d’une IA contextuelle pour appuyer le processus décisionnel axé sur la personne traitée. À partir des données sur la santé, j’envisage de fournir des idées applicables adaptées aux besoins particuliers des patientes et patients, ainsi qu’aux différentes fonctions du corps médical.
Sur quoi vos recherches portent-elles?
Je tente en fait de répondre à une question fondamentale : comment éplucher toutes les données de santé recueillies de nos jours de sorte à prendre la meilleure décision pour une personne, surtout au stade précoce de sa prise en charge? Les dossiers médicaux électroniques sont désormais chose courante et ils contiennent une grande quantité de renseignements sur le patient ou la patiente. En revanche, l’abondance de données n’est pas toujours synonyme de meilleures décisions. Pour contrer ce phénomène, j’ai conçu un cadre unique qu’on pourrait qualifier de « filtre intelligent ». Il parcourt tous les renseignements recueillis et met les plus pertinents en évidence en fonction de chaque situation. Il s’agit d’un enjeu important, car selon la nature exacte du problème médical d’un patient ou d’une patiente et les ressources disponibles, la décision en chirurgie pourrait différer de celle en soins infirmiers. Mes travaux apportent une nouvelle perspective à la recherche en informatique de la santé, puisqu’ils proposent un outil sur mesure pour examiner les données de santé. Essentiellement, par mes recherches, je tente de transformer une avalanche de données en recommandations claires et applicables qui contribuent au processus décisionnel des membres du corps médical au stade précoce de la prise en charge.
Les conclusions de vos recherches ont récemment fait l’objet d’un article dans la revue Frontiers in Neurology. Quelles en étaient les grandes lignes?
En compagnie d’une équipe multidisciplinaire des domaines de la chirurgie, de l’informatique, du génie et de l’informatique de la santé, j’ai exploré une base exhaustive de données canadiennes, où j’ai repéré différents groupes cliniquement pertinents de patients et patientes atteints d’un traumatisme médullaire. Ces traumatismes sont complexes et même dans des cas similaires, l’évolution de l’état de santé peut grandement varier. De cette variabilité découle un labyrinthe de données où il est difficile de se retrouver, surtout lors des décisions au stade précoce de prise en charge. En m’inspirant de ma thèse doctorale, j’ai appliqué le cadre systématique à l’extraction de détails pertinents particuliers aux besoins de chaque patient ou patiente. Les conclusions de mon équipe ont été publiées dans Frontiers in Neurology, une revue de pointe quant à la recherche sur les traumatismes médullaires, ce qui souligne la portée clinique de nos résultats. Cette reconnaissance fait ressortir l’importance du contexte lors de l’application de méthodes axées sur les données dans le domaine médical. Au-delà des traumatismes médullaires, cette approche pourrait servir divers secteurs de la médecine, marquant une étape décisive vers l’avènement des soins de santé axés sur le contexte et alimentés par l’IA. J’ai eu le privilège de présenter ces recherches lors de congrès internationaux en sol américain et canadien. Dernièrement, au Musculoskeletal Research Symposium (MSK) d’Ottawa, j’ai eu l’honneur de figurer parmi les récipiendaires du meilleur résumé. Mes recherches ont suscité un grand intérêt auprès des membres du corps médical et de la communauté clinique.
Quelle incidence votre thèse de recherche pourrait-elle avoir sur les soins de santé au Canada?
Au Canada, j’imagine un système de santé où les membres du corps médical ne sont pas dépassés par l’abondance des données, mais parviennent plutôt à tirer des idées applicables des données de santé, adaptées aux besoins de chaque personne. Mes recherches visent à transformer l’utilisation des données de santé de sorte à en faire bénéficier le grand public et à garantir des soins équitables aux collectivités mal desservies. Elles ouvrent la voie à l’adoption de méthodes axées sur les données probantes par les décisionnaires, ce qui joue en faveur d’un système de santé personnalisé. Quant aux entreprises du secteur de la santé, mes travaux offrent un potentiel qui dépasse le perfectionnement technologique, soit un plan d’action permettant de mieux s’adapter aux besoins des patients et patientes, et de se démarquer dans un marché de plus en plus orienté vers les soins personnalisés. L’objectif est de passer de l’approche « universelle » classique à un système d’aide à la décision axé sur l’IA, qui tire parti des données pertinentes selon le contexte. Cette approche est essentielle à la prise de décisions éclairées au stade précoce de la prise en charge; elle permet d’adapter les traitements et les autres interventions au scénario particulier de chaque patient ou patiente, en plus d’optimiser les résultats relatifs à la santé.