Témoignages étudiants et sagesse autochtone : réflexions sur la conférence 2024 de l’IARIMOS
En août 2024, à titre d’étudiantes et étudiants de différents horizons et domaines de recherche, nous avons participé à la deuxième édition de la conférence de l’Académie internationale de recherche sur la gestion et l’étude des organisations autochtones (IARIMOS). Cet événement a marqué d’incroyable manière notre parcours d’études supérieures à l’Université d’Ottawa. Au moment de l’événement, Shamim venait de quitter le Bangladesh pour entamer un programme de doctorat à l’École de gestion Telfer au Canada. Iliana s’apprêtait à commencer un programme de doctorat en géographie humaine afin de collaborer avec les communautés autochtones sur la question des changements climatiques, et Noora rédigeait sa thèse de maîtrise ès sciences, qui portait sur le développement communautaire auprès de collectivités locales.
Organisée par Ana María Peredo, professeure à l’École de gestion Telfer, chercheuse universitaire éminente et titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 en entrepreneuriat social et inclusif, la conférence de l’IARIMOS était animée par Patricia Saulis, Aînée de la communauté micmaque. L’événement a attiré l’attention sur des projets de recherche cruciaux qui placent à l’avant-plan les lieux, les cultures, les langues, l’entrepreneuriat et les pratiques de développement durable autochtones. Les savoirs autochtones ouvrent la voie à des façons diverses d’aborder des enjeux mondiaux comme la pauvreté, les inégalités, les changements climatiques et la dégradation environnementale.
La conférence de l’IARIMOS nous a incités à réfléchir au fait que pendant plusieurs siècles, le milieu universitaire a souvent négligé de tenir compte des savoirs autochtones, particulièrement dans le domaine de la gestion et des études des organisations, ainsi que dans d’autres sciences sociales. C’était une excellente occasion pour la communauté de recherche autochtone et non autochtone de présenter de nouveaux travaux sur les expériences vécues des populations autochtones, lesquelles ont une incidence considérable sur différentes sphères de la société moderne. Des chercheuses et chercheurs en début de carrière ainsi que des universitaires chevronnés ont discuté du rôle important que joue la sagesse autochtone, en insistant sur le besoin de réciprocité dans les efforts consentis pour honorer les coutumes, les cultures et les pratiques des peuples autochtones et des Premières Nations. L’IARIMOS est en effet à la tête d’un mouvement visant une meilleure appréciation des savoirs autochtones dans le domaine de la gestion et des études des organisations.
La maîtrise ès sciences en gestion (M.Sc. en gestion) avec projet de recherche ou avec thèse vous prépare à penser autrement, vous motive à réfléchir à des questions complexes liées aux affaires, à la gestion, au comportement humain et aux interactions sociales en vous aidant à trouver des moyens innovants de formuler des réponses empiriques à ces questions.
Inscrivez-vous à la prochaine séance d'information sur la M.Sc. en gestion.
Pendant l’événement, de jeunes chercheuses et chercheurs ont parlé de leurs expériences auprès de communautés autochtones et ont présenté le fruit de leurs travaux, démontrant en quoi le mode de vie autochtone fournit des perspectives éclairantes sur des sujets comme l’entrepreneuriat social, l’ontologie politique, la résilience culturelle, la sensibilisation au développement durable et les relations humaines. Les discussions sur l’organisation sociale autochtone ont mené à une exploration des interactions commerciales et non commerciales des peuples autochtones, de leurs habitudes alimentaires et de certains aspects de leur santé et leur bien-être. Les traditions et les savoirs pérennes des peuples autochtones jettent une lumière nouvelle sur les nombreux défis sociaux et écologiques de monde actuel.
Un cercle de réciprocité
Prenant la forme d’un cercle, la conférence a fait naître un espace de dialogue propice aux discussions savantes, où les participantes et participants étaient sur un pied d’égalité et où il était possible de présenter et de comprendre les différentes conceptions du monde des communautés autochtones et non autochtones. Le rassemblement s’est articulé autour de pratiques autochtones traditionnelles comme la prière, le chant et la danse, ainsi que l’échange de témoignages et de réflexions personnelles. Cette formule reproduisait la nature circulaire et relationnelle des cultures autochtones en soulignant l’importance de tisser des liens, d’encourager la réciprocité et d’adopter une vision holistique du monde. La conférence de l’IARIMOS a engendré un profond sentiment d’unité et de respect, en plus d’une détermination commune à faire progresser la recherche, les savoirs et les pratiques autochtones dans le domaine de la gestion et de l’étude des organisations. Tout le monde, autochtone ou non, a « dansé » ensemble dans la réciprocité, incarnant la transition vers un milieu de la recherche plus inclusif et équitable où la divergence des points de vue et des perspectives est valorisée et célébrée.
La professeure Peredo a d’ailleurs insisté sur le principe fondamental de la réciprocité, et les participantes et participants ont souligné l’importance de redonner aux communautés autochtones et de s’assurer que la recherche sur les contextes autochtones profite réellement aux peuples des Premières Nations. On a aussi mentionné que l’alignement des processus et des résultats de recherche sur les priorités, valeurs et modes de connaissance autochtones reposait sur une collaboration et des échanges fructueux avec les partenaires autochtones, surtout lorsque les chercheuses et chercheurs ne viennent pas d’un milieu autochtone. La positionnalité – c’est-à-dire la façon dont une chercheuse ou un chercheur se positionne par rapport à la recherche et à la communauté – constituait un facteur important. Dans un effort de reconnaissance des ravages du colonialisme et des séquelles permanentes de l’oppression subie par les peuples autochtones, la conférence de l’IARIMOS a montré l’importance pour la communauté de recherche d’adopter une mentalité et une approche de décolonisation qui favorisent l’autodétermination et l’autonomie des peuples autochtones dans le processus de recherche.
La diffusion des connaissances collectives
L’un des principaux objectifs de la conférence était de créer un espace propice à l’esprit de communauté et au réseautage. Puisque la recherche axée sur les savoirs autochtones est un concept relativement nouveau pour la plupart des universités occidentales, les membres de la communauté de recherche, particulièrement d’origine autochtone, ont souvent de la difficulté à obtenir du soutien ou du mentorat auprès de spécialistes autochtones de leur domaine.
Pour pallier cette situation, l’IARIMOS a pris la forme d’un espace propice à l’établissement de liens par les échanges et la collaboration. Les universitaires ont eu l’occasion de présenter leurs travaux et les défis rencontrés, en plus de recueillir des commentaires culturellement pertinents auprès de pairs, d’Aînées et Aînés et de mentores et mentors. La représentation des perspectives des communautés et des Aînées et Aînés est fondamentale pour mener des recherches « de la bonne façon ». Afin de favoriser un environnement de recherche plus inclusif et équitable, il est essentiel de permettre aux chercheuses et chercheurs émergents d’être vus et traités sur un pied d’égalité dans le milieu universitaire.
Plus de 27 présentations ont ponctué l’événement de trois jours. La diversité des méthodes et processus de recherche utilisés par les jeunes chercheuses et chercheurs représente sans doute l’un des aspects les plus distinctifs de la conférence, dont le caractère international a ouvert la voie à un échange de connaissances à l’échelle mondiale. Les participantes et participants ont pu tirer des leçons d’une multitude de perspectives et d’expériences, puisque la conférence réunissait des spécialistes de différentes communautés autochtones et nationalités. La décolonisation des méthodes de recherche traditionnelles constituait un sujet de préoccupation commun, que ce soit dans le cadre de projets impliquant une collaboration avec des familles maories en Nouvelle-Zélande, des peuples aborigènes en Australie ou des communautés autochtones au Brésil. Ce dialogue interculturel a aidé les personnes présentes à élargir leur connaissance de la recherche en gestion et de mieux comprendre l’importance d’accorder une place prépondérante aux perspectives autochtones en recherche.
Un espace où tisser des liens
La conférence de l’IARIMOS a fait forte impression : elle nous a rappelé la richesse et la diversité des systèmes de savoir autochtone et leur pertinence absolue pour relever les défis contemporains. Les échanges ont mis en évidence la nécessité de s’éloigner des modèles de recherche extractive au profit de relations collaboratives, éthiques et réciproques avec les communautés autochtones.
Après le succès de la première conférence de l’IARIMOS, les participantes et participants ont ressenti le besoin pressant d’avoir accès à une tribune où parler de leurs travaux sur les questions autochtones et de leurs observations empiriques dans le domaine de la gestion et des études des organisations. La deuxième édition a répondu à ce besoin en permettant aux membres autochtones et non autochtones de la communauté de recherche de se réunir pour imprégner leurs connaissances de la sagesse autochtone. Cette édition avait pour objectif de créer des façons d’intégrer à la recherche les méthodologies et les savoirs autochtones trop longtemps ignorés par le passé et qui sont maintenant reconnus et valorisés par les universitaires et les chercheuses et chercheurs partout dans le monde. De telles initiatives aideront l’ensemble de la communauté de recherche à adopter une approche plus holistique, inclusive et durable pour l’avenir afin de remédier aux conséquences désastreuses de la recherche coloniale.
La conférence de l’IARIMOS nous a permis de mieux comprendre les répercussions du colonialisme ainsi que la richesse et la résilience des systèmes de savoir autochtone. Nous avons appris que la recherche collaborative avec les communautés autochtones doit servir non seulement à tirer des constats, mais aussi à tisser des liens fondés sur le respect, la réciprocité et la confiance. La conférence a mis en lumière l’importance d’honorer les modes de connaissance autochtones et nous a offert des pistes pour les intégrer à nos travaux, que ce soit dans le domaine de la recherche sur le climat, du développement communautaire ou de la gestion.
Cet article a été corédigé par Iliana Loupessis, Shamim Ahmed et Noora Kassab.
Iliana Loupessis (elle) est étudiante au doctorat et assistante de recherche à l’Université d’Ottawa. Elle est affiliée au LABECoS ainsi qu’à la Boussole climatique nationale autochtone, un projet novateur à l’intersection des savoirs autochtones et de l’innovation numérique. Elle s’intéresse aux façons dont les technologies numériques peuvent aider les communautés autochtones à s’adapter aux changements climatiques en remettant en question les pratiques numériques traditionnelles sous l’angle de la décolonisation. Elle examine comment les collaborations technologiques pourraient se concentrer sur les perspectives autochtones afin que les outils numériques soutiennent et amplifient la résilience des communautés autochtones.
Shamim Ahmed en est à sa première année dans le programme de doctorat en stratégie et organisation à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa. Son objectif est de mener des recherches à l’intersection de la gestion stratégique et du développement durable dans leur relation avec la pauvreté et les inégalités.
Noora Kassab est étudiante de cycle supérieur et assistante de recherche à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa. Titulaire d’un baccalauréat en sciences de l’Université Trent et d’un baccalauréat en sciences commerciales de Telfer, elle possède, en plus d’une solide formation, une grande expérience pratique accumulée dans ses précédents emplois. Elle propose une approche unique et multidisciplinaire en tant qu’étudiante profondément engagée dans la recherche sur les grands enjeux dans son domaine d’expertise.