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La nouvelle course à l’espace

Satellite

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écrit par John Phillips

Le Canada a besoin d’un catalyseur d’innovation et d’entrepreneuriat dans l’industrie spatiale, estime le président de Télésat.

Dan GoldbertLa course à l’espace, ça vous dit quelque chose? Elle a débuté le 4 octobre 1957, lorsque l’Union soviétique a lancé en orbite autour de la terre le premier satellite artificiel, Spoutnik 1. Pendant douze ans, Soviétiques et Américains se sont livré une féroce concurrence pour la conquête de l’espace, à coups de surenchères technologiques, et au prix de nombreuses vies. Cette course a culminé en 1969, année où les astronautes américains ont fait les premiers pas sur la lune avant de rentrer sains et saufs au bercail.

Daniel Goldberg, président et chef de la direction de Télésat, principale société de télécommunications par satellite au Canada, affirme qu’une nouvelle course à l’espace se déroule en ce moment, et qu’elle s’engage dans une voie bien différente. Selon ses propos, que nous avons récemment recueillis, il s’agit d’une voie toute commerciale, dont le but ultime est la suprématie de l’orbite terrestre basse à renfort de satellites, synonyme d’emplois bien rémunérés, d’énormes revenus et de forte croissance économique.

Autrement dit, les acteurs des secteurs public et privé travaillent maintenant main dans la main. Tandis que les grandes sociétés perfectionnent les satellites de télécommunications, l’État surveille, réglemente et soutient le développement de technologies de plus en plus élaborées. Or, l’interaction complexe et évolutive entre les deux secteurs a créé des conditions extraordinaires pour l’essor de l’industrie.

Le Canada, un redoutable concurrent

Wadid Lamine, Ph. D. et professeur agrégé d’entrepreneuriat à l’École de gestion Telfer, s’intéresse de très près à l’innovation et à l’entrepreneuriat dans l’industrie spatiale. Son dernier article attire d’ailleurs l’attention sur des barrières érigées par certaines politiques européennes, lesquelles ont favorisé la domination de deux géants français : Airbus et Thales. Ce milieu fermé et contraignant décourage les jeunes entreprises de tenter une percée dans le marché aérospatial.

M. Goldberg, et Télésat, connaissent bien les conditions décrites par le professeur Lamine. Avec sa constellation Lightspeed, composée de 298 satellites en orbite terrestre basse à la fine pointe de la technologie, l’entreprise livre une concurrence sérieuse à SpaceX et à Amazon, les deux géants américains. « Le marché spatial est sans pitié, déclare le président de la société canadienne. La plupart de nos concurrents peuvent compter sur des ressources financières astronomiques, dont une grande partie provient de leurs gouvernements. »

SpaceX en est un bel exemple. Selon l’entrepreneur, la société doit principalement son succès fulgurant à ses étroites relations avec Washington, son grand pourvoyeur de fonds de développement. Il en va de même pour les autres concurrents de Télésat partout dans le monde. En Russie et en Chine, par exemple, les grandes sociétés spatiales sont soit des organismes d’État, soit généreusement soutenues par leurs gouvernements sous forme de fonds ou d’achats. « Pour maximiser ses chances de réussite, le Canada doit rallier le milieu et saisir les occasions les plus prometteuses », poursuit M. Goldberg.

Collaboration, innovation et entrepreneuriat

Le président de Télésat voit une solution. Il croit fermement que l’industrie spatiale canadienne a besoin d’un catalyseur ou d’une structure rassembleuse afin d’unir les forces gouvernementales, entrepreneuriales et universitaires vers un objectif commun. C’est la seule façon d’obtenir une vision claire des occasions qui méritent d’importants investissements, le point de vue éclairé des chercheuses et chercheurs et les innovations technologiques émanant du milieu universitaire dans son ensemble.

L’idée d’un catalyseur de l’industrie spatiale n’a rien de nouveau. Reconnaissant l’importance stratégique de la collaboration des secteurs public et privé, nos voisins du sud ont établi le Conseil national de l’espace, présidé par le vice-président des États-Unis. Le Royaume-Uni leur a emboîté le pas. Quant au Canada, il applique lui déjà cette approche dans divers autres secteurs d’activité. En témoignent nos Supergrappes d’innovation, qui agissent comme des créateurs d’écosystèmes d’innovation dans plusieurs industries, notamment les technologies numériques et la fabrication de pointe.

Le cri de ralliement lancé par M. Golberg fait écho aux dernières constatations du professeur Lamine. En effet, ce dernier estime que l’innovation et l’entrepreneuriat dans l’industrie spatiale ne décolleront réellement que lorsque les responsables politiques, les entrepreneuses et entrepreneurs, les entreprises établies et les équipes de recherche universitaires tisseront de solides alliances. « Le monde politique doit créer des espaces de collaboration régionaux réunissant les acteurs universitaires, industriels et politiques, pour stimuler la circulation des savoirs, les échanges et le transfert de connaissances », écrit-il.

L’apport crucial de la recherche universitaire dans les partenariats avec l’industrie spatiale

Le professeur Lamine et M. Goldberg s’entendent pour dire que les universitaires doivent être intégrés à toute relation de partenariat dans l’industrie spatiale. Le président de Télésat y voit deux grands avantages en particulier. D’abord, et par-dessus tout, les milieux de recherche apportent un nouvel éclairage.

« Bon nombre de chercheuses et de chercheurs font d’importantes percées dans les domaines des télécommunications spatiales et des technologies de batteries, explique-t-il. Le secteur privé et les universités ont donc tout intérêt à engager et à nourrir un dialogue sur leurs activités et leurs observations. »

Ce dernier entrevoit également un avantage pour le marché du travail. « Nous engageons un grand nombre d’étudiantes et d’étudiants coop, ou qui viennent d’obtenir leur diplôme, explique-t-il. Il est important que cette nouvelle main-d’œuvre acquière les compétences requises. » Le professeur Lamine abonde dans le même sens. Selon lui, la création de partenariats étroits et multidimensionnels que prône M. Golberg se traduirait par une « relation à triple hélice » entre les universités, les sociétés et les responsables et institutions politiques.

Ainsi, deux figures de premier plan, l’une dans le secteur privé et l’autre dans le milieu universitaire, réclament d’une même voix un dialogue permanent et des partenariats fructueux au profit de l’industrie spatiale canadienne. Voilà peut-être les catalyseurs dont nous avons tant besoin pour accélérer notre course à l’espace!