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Perte de grossesse : les milieux de travail doivent en reconnaître les conséquences physiques et émotionnelles

Femme avec la tête entre les mains

Les symptômes physiques et psychologiques ressentis pendant et après la perte de grossesse peuvent être intenses, y compris des traumatismes, la perte de beaucoup de sang, la fatigue, une mauvaise concentration et des crampes abdominales graves. Les milieux de travail doivent prendre au sérieux la perte de grossesse. (Shutterstock)

 

Rédigé par Stephanie Gilbert, professeure adjointe de gestion organisationnelle, Université du Cap-Breton; Jacquelyn Brady, professeure adjointe de psychologie, Université d'État de San José et Jennifer Dimoff, professeure adjointe, comportement organisationnel et gestion des ressources humaines, Université d'Ottawa. Cet article a d’abord été publié dans La Conversation, un média en ligne d'information et d'analyse de l'actualité indépendant, qui publie des articles grand public écrits par les chercheurs et les universitaires, le 3 juin 2021.

 

Les organisations et les gouvernements à travers le monde reconnaissent de plus en plus la nécessité de politiques qui soutiennent le personnel qui subit une perte de grossesse.  

Channel 4, le radiodiffuseur britannique de service public, a récemment mis en place une politique pionnière pour la perte de grossesse qui comprend des options de congé, des services de soutien psychologique et des conseils pour les gestionnaires. Selon Alex Mahon, directrice générale de Channel 4 :   

« Nous reconnaissons que la perte d’une grossesse, quelles que soient les circonstances, représente une forme de deuil qui peut avoir un impact émotionnel et physique durable sur la vie de nombreuses femmes et de leurs partenaires. »   

Reddit offre 8,5 semaines de congé payé après la perte de grossesse. De plus, la Nouvelle-Zélande a récemment adopté une loi autorisant trois jours de congé de deuil payé après toute étape de la grossesse. 

De telles politiques légitiment la perte de grossesse comme une expérience qui mérite à la fois un rétablissement physique et psychologique, un sujet que nous étudions actuellement dans le cadre d’une série de recherches au Canada et aux États-Unis. 

Les ravages de la perte de grossesse   

Les symptômes physiques et psychologiques ressentis pendant et après la perte de grossesse peuvent être intenses, y compris un traumatisme, la perte de beaucoup de sang, la fatigue, une mauvaise concentration et des crampes abdominales graves. Certaines personnes subissent également une intervention chirurgicale, un accouchement par voie vaginale ou une césarienne à la suite d’une perte de grossesse.   

Après une grossesse extra-utérine de sept semaines, un père qui a participé à l’une de nos études a déclaré :   

« Non seulement vous devez faire face à cette perte, mais il y a aussi le processus de guérison après l’opération, et pour rendre les choses plus difficiles pour (ma femme), elle a subi deux opérations et a fait un autre séjour à l’hôpital. Il y a donc beaucoup d’autres traumatismes qui s’ajoutent à cette perte également. Non seulement vous vivez un véritable enfer mentalement, mais vous le vivez aussi physiquement. »   

Une récente série d’articles dans le Lancet a parlé des effets psychologiques de la perte de grossesse, indiquant que les personnes qui ont subi une fausse couche sont deux fois plus à risque de souffrir de dépression et d’anxiété et quatre fois plus à risque de se suicider. Ces effets sont susceptibles d’avoir une influence sur la performance au travail. Après une perte de grossesse de 12 semaines, une femme nous a dit :   

«  La perte d'un enfant bouleverse totalement votre univers. Je trouve que je suis moins motivée ces jours-ci… Je n’ai tout simplement pas l’impression que le travail prend soin de moi autant que je le pensais nécessaire. Alors pourquoi est-ce que je change ma vie pour le travail? » 

Congé de maladie, congé de deuil ou absence de congé   

Bien qu’une grossesse sur cinq résulte en une fausse couche, les personnes qui vivent une perte de grossesse ont tendance à passer entre les mailles du filet en ce qui concerne les options de congé payé officiel. Souvent, le personnel, les gestionnaires et même certains membres des ressources humaines ne sont pas certains des mesures de soutien et des options de congé auxquelles les employés peuvent avoir droit.   

La perte de grossesse est rarement précisée dans les politiques de congé de deuil, ce qui en fait une option de congé peu commune pour le personnel (seulement 14 % des personnes participant à notre étude ont pris un congé de deuil). 

Plusieurs membres du personnel déclarent prendre des congés de maladie, des vacances, des congés sans solde ou des invalidités de courte durée, dont bon nombre peuvent se faire à leurs frais et entraînent souvent le fardeau de longues formalités administratives. Une autre femme qui a pris un congé de maladie par l’entremise d’une compagnie d’assurance après sa perte nous a dit :   

« Il fallait qu’ils m’envoient le formulaire environ toutes les cinq semaines. Et je leur ai dit : “J’ai eu une perte de grossesse. Cinq semaines plus tard, j’avais encore une perte de grossesse. Pourquoi continuez-vous à me poser la même question? J’aurais pu simplement prendre un congé de maternité. Et vous ne m’auriez pas dérangée pendant un an… et je n’aurais pas eu à remplir ces stupides formulaires”. » 

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Les milieux de travail traitent de plus en plus la perte de grossesse avec compassion et  compréhension, mais il reste encore beaucoup à faire.  (Piqsels)

Canada, les femmes qui ont subi une perte de grossesse sont souvent admissibles à une forme d’assurance-emploi. Cependant, leur droit à ces prestations est souvent mal communiqué : 83 % de nos participantes n’étaient pas au courant de ces programmes. Une femme qui a perdu son bébé après 25 semaines de grossesse et qui était admissible à un congé de maternité du gouvernement nous raconte ceci : 

« (Le congé de maternité) n’a jamais été discuté avec moi… on ne m’a jamais offert d’envisager de prendre des prestations de maternité. »   

D’autres membres du personnel, ne percevant aucune autre alternative, ne prennent tout simplement pas de congés; ils travaillent malgré la perte de grossesse ou retournent au travail immédiatement après avoir subi une intervention chirurgicale ou avoir accouché. 

Ce qu’on peut faire dans les milieux de travail  

Nous défendons une approche globale et humaine pour soutenir les membres du personnel après une perte de grossesse qui comprend des options de congé inclusives, ainsi que d’autres formes de soutien. Ce soutien peut consister à leur fournir ce que nous appelons le CARE  :   

  • Communiquer clairement avec l’employée ses options de congé (comme l’aide gouvernementale, le congé de deuil ou le congé de maladie prolongé qui comprend la perte de grossesse) et les ressources disponibles (comme les programmes de soutien en fin de grossesse);   

  • Accommoder les besoin de l’employée dans le processus de retour au travail et former les gestionnaires sur la façon de répondre adéquatement aux besoins des employées (par exemple, horaire variable, options de télétravail); 

  • Reconnaître la perte comme un deuil légitime, ce qui sert à déstigmatiser et à valider la douleur de l’employée; 

  • Écouter et soutenir l’employée sur le plan émotionnel en faisant preuve de compassion et en créant un milieu de travail sain, positif et sécuritaire où elle peut signaler sa perte et recevoir du soutien.